Vandana Shiva, la « Ghandi des graines »

Militante écologiste, féministe et figure du mouvement altermondialiste, l’indienne Vandana Shiva parcourt le monde pour défendre une agriculture traditionnelle, locale et biologique. José Bové la décrivait ainsi en 2011 : « Toujours vêtue d’un simple sari de coton artisanal et de sandales, elle est probablement aujourd’hui la meilleure incarnation de l’héritage spirituel de Ghandi ».

Une militante précoce

Vandana Shiva est née en 1952 dans l’Uttar Pradesh, une région du Nord de l’Inde au pied de l’Himalaya.  Fille d’une fermière et d’un garde forestier, elle prend conscience très tôt de la fragilité de l’environnement en observant dans sa région natale les dégâts causés par la déforestation.

Après des études de physique quantique et une thèse de philosophie au Canada, elle décide de rejoindre à 22 ans le mouvement féministe Chipko qui lutte contre la déforestation en Inde. Ce mouvement a su attirer l’attention des médias du monde entier grâce à son militantisme pacifique et son mode d’action quelque peu particulier. Afin d’éviter la coupe des arbres, les militantes indiennes enlacent les troncs pour faire de leurs corps des barrières physiques.

“Chipko” en hindi signifie “enlacer”

Un symbole du mouvement anti-OGM

Vandana Shiva s’est rendue célèbre à l’échelle mondiale pour son combat contre les OGM et le brevetage du vivant. Ciblant spécifiquement les grandes multinationales comme Monsanto, elle n’a cessé de dénoncer la mainmise de l’industrie agro-alimentaire sur la production de nourriture et les effets pervers de la « révolution verte » indienne.

« S’ils peuvent contrôler les graines, ils contrôlent la nourriture. C’est plus puissant que des bombes. C’est le meilleur moyen de contrôler les populations du monde »

Vandana Shiva incarne ainsi la résistance des petits contre les lobbies agrochimiques qui menacent la biodiversité et l’indépendance de l’agriculture paysanne. Très influencée par la philosophie de Gandhi, elle invite à la désobéissance non-violente pour la reconquête de la souveraineté alimentaire des paysans indiens.

En 1991, elle fonde l’association Navdanya (« neuf graines » en hindi), un centre de recherche et de formation sur l’agroécologie, qui a constitué au fil des années un réseau de banques de semences naturelles. L’association récolte et reproduit des semences ancestrales pour empêcher leur disparition et promeut un modèle alternatif fondé sur les savoir-faire indigènes en matière d’agriculture et d’alimentation. Son association a permis l’accompagnement et la formation de plus de 10 000 fermiers d’Inde, du Pakistan, du Tibet et du Népal.


Grâce au travail de l’association Navdanya, les graines de neem, de riz basmati et de blé n’ont pas été brevetées, et restent donc une propriété publique à tous les agriculteurs indiens.

« Chaque fois que nous consommons ou que nous produisons au-delà de nos besoins, nous nous engageons dans la violence »

Vandana Shiva s’est rapidement imposée comme une des figures de référence des luttes altermondialistes. Elle est à l’origine du premier rassemblement anti-globalisation à Bangalore en 1993, qui a réuni près de 500 000 fermiers et militants. En 2003, l’hebdomadaire Time Magazine lui a décerné le titre d’ « héroïne environnementale ».

Une figure de l’éco féminisme

Si Vandana Shiva porte avant tout un combat pour la défense de l’environnement, elle s’inscrit également dans les luttes féministes et démontre les liens profonds qui existent entre les deux problématiques.

Elle est l’une des penseuses importantes de la notion « d’éco féminisme », qu’elle articule aux enjeux de développement. Le terme, qui postule un lien entre l’oppression des femmes et la destruction de la nature, est apparu en 1974 sous la plume de la militante française Françoise d’Eaubonne. En 1993, Vandana Shiva y consacre un ouvrage, co-écrit avec la chercheuse allemande Maria Mies. Selon elle, les femmes indiennes cumulent les rapports de domination : patriarcat, colonialisme, pauvreté et sont les premières menacées par les dégradations écologiques. D’où l’idée que le rapprochement des genres est un levier essentiel et incontournable pour remédier à la crise écologique.

Elle a d’ailleurs reçu le prix Nobel alternatif en 1993 pour « avoir placé les femmes et l’écologie au coeur du discours sur le développement moderne ».

Une personnalité controversée

Malgré sa reconnaissance, ses positions radicales et ses discours sans concession lui ont attiré de nombreuses critiques. Certains l’accusent de naïveté, d’idéalisme et de porter des discours anti-modernistes. D’autres encore s’insurgent des prix exorbitants de ses conférences (de l’ordre de 30 000 dollars la prestation). Au sein-même du mouvement féministe, elle ne fait pas l’unanimité, accusée d’être « essentialiste », c’est-à-dire d’adopter une vision binaire des genres et de réduire les femmes à leur état de nature.

« Notre économie, fondée sur le patriarcat, pousse les hommes à détruire, les femmes à soigner, à réparer, donc à se révolter »

Vandana Shiva est en tout cas une femme engagée et une porte-parole nécessaire de la lutte contre les OGM. Auteure de nombreux ouvrages et conférencière habituée des grands sommets internationaux, elle poursuit inlassablement son combat. Vandana Shiva porte ainsi bien son nom, celui du Dieu Shiva, connu pour sa combativité et sa capacité à protéger la nature.

 

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