Valérie Cabanes est juriste en droit internationale, spécialisée dans les droits de l’homme. Elle est reconnue pour sa lutte pour les droits des peuples autochtones et les droits de la nature, étant notamment porte-parole du mouvement citoyen pour la reconnaissance du crime d’« écocide ». Elle travaille fréquemment auprès des Nations Unies pour apporter son expertise au sein de l’initiative « Human with Nature ». Elle est enfin cofondatrice de l’association Notre affaire à tous.
« [A]ucun des droits fondamentaux de l’homme ne pourra être garanti si les écosystèmes dont nous dépendons ne sont pas protégés pour leur valeur intrinsèque. » (Le Monde 4/01/2019)
Une épopée professionnelle
Valérie Cabanes a d’abord travaillé pendant près de 20 ans dans des ONG, dont elle tire une expérience et une compréhension pratique des sujets auxquels elle fait face : sécurité alimentaire au Burkina Faso, accueil des réfugiés afghans au Pakistan, accompagnement des femmes en situation de prostitution au Cambodge, droits des enfants handicapés et tant d’autres. Pendant plusieurs années elle a dirigé des programmes de lutte contre le trafic humain.
Ses nombreux voyages ont fait grandir deux convictions centrales : « la guerre et la pauvreté sont intimement liées à la surexploitation des ressources terrestres et à un partage inéquitable de celles-ci », et « les modes de vie des peuples autochtones sont les plus à même de préserver le système Terre » (cf. site officiel).
Au début des années 2000, elle entame donc une thèse d’anthropologie sur un peuple autochtone québécois, les Innus, thèse qu’elle n’achèvera pas car elle choisit de s’investir à plein temps auprès des Innus pour empêcher la construction d’un barrage menaçant le territoire dont ils dépendent. Même schéma ou presque en 2010, au Brésil, lorsqu’elle s’engage auprès des populations souffrant de la construction du futur barrage de Belo Monte. L’accaparement des terres devient ainsi un de ses sujets de prédilection en tant que juriste.
Prise de position et action publique
A partir de 2012, elle lance et participe à de nombreuses initiatives citoyennes européennes puis mondiales qui visent à faire reconnaître la nature comme sujet proprement juridique. Elle contribue à la rédaction de plusieurs propositions de lois et d’amendements de la Constitution visant à reconnaître notamment le crime d’écocide et le respect des limites planétaires.
Elle systématise ses réflexions et publie en 2016 Un Nouveau Droit pour la Terre, pour en finir avec l’écocide, et en 2017 Homo Natura, en harmonie avec le vivant. En 2019, elle s’attaque au domaine pédagogique et cofonde l’école de droit Wild & Legal, qui offre enfin une formation juridique axée sur les droits de la nature.
A l’approche de la COP21, elle fonde l’ONG Notre Affaire à tous, à l’origine de « L’Affaire du siècle » en 2018 : la campagne visait à attaquer l’Etat français en justice pour son inaction face à la crise climatique. L’affaire du siècle s’est révélée une initiative controversée, jugée comme une action superficielle, encourageant les internautes à se complaire dans une illusion d’engagement grâce à quelques clics sur leurs smartphones. L’Affaire du siècle a probablement offert davantage un buzz internet symbolique qu’une véritable action signifiante. Elle représente toutefois une campagne choc de communication pour faire prendre conscience de l’impunité des pouvoirs publics et des grands industriels dans la destruction de nos écosystèmes.
Une référence juridique et politique
Devenue une personnalité publique et experte sollicitée, elle participe à de nombreux colloques et conférences, et prend fréquemment la parole dans les médias pour sensibiliser la population. Elle dénonçait notamment le 14 février dernier dans une tribune du Monde un décalage inquiétant entre l’utilisation hypocrite d’éléments de langage écologique chez les politiques français, (notamment Emmanuel Macron, proclamé ironiquement « Champion du climat), et l’inexistence de réelles décisions effectives pour changer de modèle d’exploitation.
Valérie Cabanes incarne le combat de contre-pouvoirs qui œuvrent pour le respect de l’environnement : la loi n’est-elle pas le domaine idéal pour légitimer et enfin faire appliquer l’interdiction des comportements prédateurs ?
« Aujourd’hui, le droit manque d’une vision écosystémique et il ne reconnaît les préjudices écologiques – quand il les reconnaît – qu’après le désastre. Il nous faut absolument adopter une posture préventive. Or, c’est ce que permet l’attribution d’une personnalité juridique à la nature. » (ibid)
Pour aller plus loin
France Culture, Le Temps du débat, 29/08/2019 : « Faut-il un droit d’ingérence environnementale ? » : https://www.franceculture.fr/emissions/le-temps-du-debat/faut-il-un-droit-dingerence-international-ecologique
Interview vidéo pour Reporterre : https://reporterre.net/VIDEO-Valerie-Cabanes-Il-faut-reconnaitre-nos-liens-d-interdependance-avec-le-reste-du
Site officiel : http://valeriecabanes.eu/
Brut : https://www.facebook.com/watch/?ref=external&v=2066431443606492

Justine Taillefer, NOISE ESSEC