
Nous sommes en plein confinement (le premier ou le deuxième, à votre guise) et, trouvant le temps long, vous décidez de ranger votre cuisine et de faire le tri dans vos placards. Une semaine plus tard, vous vous retrouvez à faire un ménage gigantesque dans votre appartement ou votre maison, à déterminer ce que vous gardez ou ce que vous jetez. Des sacs plastiques remplis à craquer jonchent votre entrée : tout cela ira aux bonnes œuvres, ou à la poubelle. Une fois toute cette opération finie, vous vous sentez mieux, apaisé. A vos yeux, faire le ménage dans votre vie, serait-ce un peu comme faire le ménage dans votre tête ?
Si vous vous êtes reconnus dans cette description, c’est peut-être que vous avez joué les minimalistes sans le savoir ! Les deux confinements successifs et la crise mondiale que nous subissons encore ont poussé beaucoup de gens à repenser leur manière de consommer. Acheter sans réfléchir est de moins en moins naturel pour de plus en plus de personnes. L’extension de ce phénomène est pour nous l’occasion de nous pencher sur un nouveau mode de vie qui se développe à la vitesse grand V : le minimalisme. Ses adeptes le présentent comme la nouvelle voie vers le bonheur, ses détracteurs le voient comme une ascèse contraignante et frustrante. Alors, le less is more est-il une nouvelle approche du bien-être ?
Le minimalisme, qu’est-ce que c’est ?
A l’origine, le minimalisme est un courant artistique qui s’est développé dans les années 1960, par opposition à l’expressionnisme et à sa profusion. Cette approche historico-artistique est déjà en elle-même révélatrice de ce que le minimalisme n’est pas. Si l’on s’en tient à la définition du terme conçu comme un mode de vie, le minimalisme n’est autre que « la recherche de méthodes ou de solutions permettant de faire le moins d’efforts ou le moins de changements possibles. »
On voit donc directement qu’il s’agit avant tout de se faciliter la vie sur le long terme. Avec moins de possessions, il y a moins de choses à réparer, à entretenir, à faire fonctionner, et donc plus de temps libre pour d’autres choses. D’une manière plus concrète, le minimalisme c’est le fait de ne posséder que les choses dont on a vraiment besoin. Ce terme de besoin constitue l’une des problématiques principales qui se posent lorsque l’on commence à s’intéresser au minimalisme : de quoi ai-je besoin, mais vraiment besoin ? Le simple fait de se poser cette question nous pousse naturellement à différencier désirs et besoins : cette jupe ou ces baskets me font envie, mais cela ne signifie pas toujours qu’elles me sont nécessaires. Être minimaliste, c’est donc aussi apprendre à mieux se connaitre, à se cerner pour savoir quelles sont les choses sans lesquelles on ne peut pas vivre.
.jpg)
” Mais comment se manifeste concrètement le minimalisme ?”, vous demanderez-vous. Il s’agit avant tout – et ce préambule le laissait déjà présager- de réduire sa consommation. Une personne qui applique le minimalisme à la lettre aura une poignée de possessions matérielles seulement, et vivra cette situation avec beaucoup de satisfaction, à l’image de Joshua Fields Millburn & Ryan Nicodemus, les deux auteurs du site www.theminimalists.com qui ont notamment produit Minimalism, a documentary about important things réalisé par Matt D’Avella et disponible sur Netflix. Pour une tournée d’une durée de dix mois sans repasser par leur domicile, ils emmènent ce dont ils ont besoin… dans un bagage cabine par personne !
Dit comme cela, nombreux se demanderont comment ne pas ressentir de frustration face à ce dépouillement quotidien. Le fait que posséder moins procure plus de plaisir qu’un mode de consommation ordinaire est loin de tomber sous le sens immédiatement, et je vais vous expliquer pourquoi. L’optimisation de nos possessions est en fait bien loin d’être synonyme d’un désagréable sentiment de frustration.
Minimalisme et bonheur : une réalité contre-intuitive dans notre société.
Pourquoi associons-nous instinctivement minimalisme et frustration ? Parce que l’achat d’un objet ou d’un bien active dans notre cerveau le circuit de la récompense. Le fait d’acheter nous donne un sentiment de bien-être. Historiquement, l’activation de ce circuit de la récompense a permis à l’homme d’acquérir des biens ou des outils favorables à sa survie. Même si beaucoup d’entre nous n’évoluons plus dans un environnement hostile à la vie humaine, et appartenons à une société où l’on n’a plus à se battre pour satisfaire ses besoins naturels, le circuit de la récompense nous est resté. Ainsi, lorsque l’on achète quelque chose, même sur une impulsion, c’est aussi pour se faire plaisir – c’est-à-dire en un sens activer ce fameux circuit de la récompense.
Généralement, on achète une chose parce qu’elle nous fait envie – et parfois (heureusement !) parce que l’on en a besoin. Mais d’où vient cette envie ? Pour comprendre ce processus, il faut souligner un chiffre important : actuellement, nous sommes sollicités en permanence par environ 1200 messages publicitaires chaque jour ! Et si la publicité est aussi commune, c’est aussi pour construire chez l’ensemble des citoyens un certain imaginaire : avoir telle voiture se rattachera, même inconsciemment, à tel mode de vie et aux avantages qui l’accompagnent. On aspire progressivement à certains modèles, et acheter certains objets nous donnent le sentiment d’être plus complet, et de mieux correspondre à ces modèles. Une fois l’achat effectué, notre circuit de la récompense est activé et nous éprouvons une sensation de plaisir. Le fait est que cette sensation se révèle souvent brève (qui n’a jamais regretté l’achat d’un souvenir de vacances qui, une fois ramené à la maison, semble dénué de tout intérêt ou bien l’acquisition du dernier vêtement à la mode, que l’on juge insignifiant quelques mois plus tard ?)
Vertus et manifestations d’une philosophie qui n’est pas si récente…
Vous voyez bien que dans une société de consommation, le lien entre minimalisme et plaisir est loin d’être évident. Et pourtant, nombreux sont ceux qui, de nos jours, ont le sentiment de ne plus trouver leur compte dans un mode de consommation jugé traditionnel. La multiplication des documentaires, des blogs, des chaines Youtube, voire des émissions de téléréalité dédiés au minimalisme est révélatrice de ce questionnement grandissant. L’ancien modèle de consommation se voit remis en cause parce qu’il ne parvient plus à activer la sensation de plaisir suffisamment longtemps. Il s’agit donc pour les nouveaux minimalistes de trouver une alternative à ce modèle. Posséder de nombreuses choses, c’est aussi se préoccuper de beaucoup de choses (entretien, utilisation, réparation) et ce que l’on considérait comme une source de plaisir peut devenir une contrainte, voire une cause de stress.
Partant, le minimalisme est souvent considéré comme une manière de s’alléger matériellement mais aussi spirituellement. Pour ainsi dire, le fameux adage latin se voit prolongé: désormais, mens sana in corpore domoque sanis. Un esprit sain dans une maison et un corps sains. L’ataraxie (c’est-à-dire la tranquillité de l’âme) prônée par Epicure pour trouver le bonheur n’était pas si éloignée que cela des objectifs du minimalisme. On considère que ce dernier est fortement inspiré par la culture japonaise, influence de nos jours personnifiée par les spécialistes et icônes minimalistes Marie Kondo et Fumio Sasaki. Le minimalisme et les enjeux philosophiques qui s’y rattachent ne datent donc pas d’hier, signe que cette conception du bonheur et de la sérénité n’est pas qu’un effet de mode. Revenir à l’essentiel en se débarrassant du superficiel pourrait s’avérer bénéfique sur le plan du moral (moins de stress et de préoccupations), de l’écologie (moins de pression sur les ressources de la planète) mais aussi de vos économies (moins de dépenses).
Le minimalisme se traduit donc par un rangement de nos lieux de vie, mais aussi par une modification de ceux-ci. De nombreuses études on démontré que nous sommes loin d’utiliser tout l’espace dont nous disposons. A vrai dire, nous adaptons notre mode de vie au logement dont nous disposons alors même que certains ont choisi d’adapter leur logement à leur mode de vie. Combien de personnes ont une maison trop grande pour elles, avec des pièces dans lesquelles elles ne se rendent quasiment jamais ? En guise de solution à ce problème, nous assistons depuis maintenant plusieurs années à l’essor des tiny houses, des maisonnettes de 15 à 25 mètres carrés, dont l’organisation interne est effectuée de manière à pouvoir accueillir un couple avec un enfant sans instaurer de sentiment de promiscuité. Dans de nombreux pays, ce mode de logement fait de plus en plus d’adeptes et on peut y voir une manière d’être minimaliste jusque dans son espace de vie.
Vous l’aurez compris : le minimalisme est un mode de vie et de pensée autant qu’un ensemble de pratiques. Faire le tri dans son armoire ou jeter des vieilleries qui ne nous ont pas servi depuis très longtemps sont des actions qui, au premier abord, ne payent pas de mine, mais qui peuvent s’avérer libératrices. Vous êtes moins encombrés par des préoccupations matérielles devenues décidément très nombreuses et en plus il vous est ainsi possible de faire quelques économies ! Consommer moins mais mieux est une position qui n’a de cesse de se propager.
“Il y a des choses que j’aime et dont je ne me vois pas me débarrasser. Que faire ?”
Rien ne vous oblige à devenir un minimaliste complet : être minimaliste, ce n’est pas nécessairement vivre avec cinq paires de chaussettes, une natte en guise de lit et cinquante possessions qui pourraient tenir dans un sac à dos. Ce type de démarche peut sembler extrême pour beaucoup, mais a aussi tendance à intimider : face à une telle implication, on peut rechigner à se lancer par peur de mal faire (ou de ne pas faire assez). Le fait est que s’il y a une chose à laquelle vous tenez vraiment, qui vous procure une sensation de plaisir durable, vous pouvez la garder tout en restant minimaliste. Le minimalisme a pour objectif un plus grand bien-être de celui qui le pratique, alors il ne sert à rien d’en faire la source d’une culpabilité ou d’un remords. Les minimalistes extrêmes comme Joshua Fields Millburn & Ryan Nicodemus ont mis des années à atteindre le stade auquel ils sont parvenus, et il n’est nullement imposé de suivre leur exemple à la lettre. En cela le minimalisme est avant tout personnel : c’est à chacun de pratiquer la “simplicité heureuse” selon la manière dont il l’entend. Alors si vous ne vous imaginez pas vivre sans votre collection de livres anciens ou vos albums de famille, gardez les : c’est à vous qu’il appartient de poser les limites de cette sobriété ! Le minimalisme, c’est aussi paradoxalement être matérialiste, mais au sens premier du terme : tenir beaucoup aux possessions qui nous restent parce qu’elles nous apportent une joie réelle.
Des idées d’actions à mener pour s’avancer sur le chemin du minimalisme
- Se renseigner sur les méthodes de rangement de Marie Kondo
- Faire le tri dans sa garde robe et déterminer les articles dont on doit se défaire – par exemple, si vous n’avez pas utilisé une pièce depuis plus d’un an, alors vous pouvez l’enlever de vos placards. Pour celles et ceux d’entre vous qui seraient vraiment intéressés par cette démarche, vous pouvez vous renseigner sur le “PROJECT 333 Challenge”, qui consiste à ne conserver pendant 3 mois (au moins) que 33 articles pour vous vêtir de la tête aux pieds (cela comprend donc aussi les chaussures, les bijoux et les sacs).
- Supprimer les doublons d’articles de sa maison, dont on n’a généralement pas l’utilité
- Et plein d’autres idées encore, notamment disponibles sur les sites Lavienplusimple ou encore Unpeubocauxalafolie !
Sources
- Minimalism, a documentary about important things par Matt D’Avella
- https://www.theminimalists.com/
- https://www.lexpress.fr/styles/psycho/le-minimalisme-ce-nouveau-mode-de-vie-qui-a-change-leur-quotidien_2119967.html
- https://www.lavienplusimple.com/
- https://www.arte.tv/fr/videos/094986-000-A/les-minimalistes-de-l-extreme-marie-kondo-joachim-kloeckner-tracks-arte/
- https://www.arte.tv/fr/videos/084701-008-A/xenius-le-rangement-faire-le-tri-dans-sa-vie/
- https://youmatter.world/fr/le-minimalisme-manifestation-dune-fin-annoncee-de-la-societe-de-consommation-ou-de-son-evolution/