Les protections hygiéniques sont-elles destinées à détruire la planète ?

Suite à l’article que nous avons publié hier sur la précarité menstruelle, nous nous penchons aujourd’hui sur les enjeux environnementaux que posent les protections hygiéniques. En effet, aujourd’hui menstruation rime malheureusement souvent avec pollution, avec toujours plus de plastique notamment. Mais cela n’a pas toujours été le cas ! Nous vous proposons donc ici de revenir sur cette folie du plastique dans les protections hygiéniques et de voir pourquoi cela n’est pas une fatalité.

Quand menstruation rime avec pollution

Aujourd’hui, les femmes utilisent dans leur grande majorité des modes de protection hygiénique jetables, que l’on parle de tampons ou de serviettes. A ce point, les estimations sont vertigineuses : rien qu’en 2018, 5,8 milliards de tampons ont été achetés aux Etats-Unis, et au cours de sa vie, une femme utilise entre 5 000 et 15 000 serviettes et tampons. En France, les femmes de 13 à 50 ans utilisent en moyenne 290 protections par an pour faire face à leurs règles, soit plus de 11 000 unités sur 38 ans de vie fertile. Aux États-Unis, une femme génère jusqu’à 150 Kg de déchets menstruels au cours de sa vie. Or, tout ce plastique, rappelons-le, met 500 à 800 ans à se décomposer !
En effet, le plastique est omniprésent dans les tampons et les serviettes jetables : les tampons sont emballés dans du plastique, encapsulés dans des applicateurs en plastique, avec des ficelles en plastique à leur extrémité et comportent même parfois une fine pellicule de plastique dans la partie absorbante… Et les serviettes ne sont pas en reste ! Elles comportent même encore plus de plastique, de la base étanche aux produits synthétiques qui absorbent le fluide, jusque dans l’emballage. Et c’est sans compter les substances nocives pour la santé comme pour l’environnement, présentes dans les protections jetables : dioxine, phtalates, glyphosate, chlore… Certaines contiennent même des traces de pesticides et d’herbicides. Toutes ces substances toxiques sont utilisées dans le traitement des tampons et serviettes, ajoutant à l’impact écologique désastreux de ces produits.

Les protections hygiéniques et le plastique : une histoire de honte sociale

La gestion des règles a longtemps été un défi pour les femmes. Au Moyen-Âge, pas de culotte ni de protection, les jupons suffisaient et les femmes laissaient couler le sang le long de leurs jambes. Ensuite, les femmes ont commencé à confectionner des protections maison plus ou moins efficaces à partir de divers matériaux comme des bandes de tissus ou des écorces molles. Ce n’est qu’à la fin du XIXème siècle qu’est vendue la première serviette hygiénique de la marque Johnson & Johnson. A cette époque, c’est un échec commercial, puisque le flux menstruel était alors trop tabou pour que les femmes osent acheter un tel produit en public. En effet, les menstruations s’accompagnent depuis l’Antiquité d’une forte stigmatisation. Dans la Grèce antique, les règles étaient considérées comme foncièrement impures : un symbole de l’excès féminin, une « humeur » devant être expulsée du corps pour maintenir l’équilibre et la santé. Dans cette lignée, pendant les années 1800 aux Etats-Unis, la perception du sang évolue, c’est alors un « mauvais sang », à la fois sale et honteux, raconte Chris Bobel, experte en menstruation à l’Université du Massachusetts, à Boston. C’est finalement ce tabou qui a entériné le succès des protections jetables. En effet, celles-ci créent une véritable révolution à leur apparition en 1921, avec la marque Kotex : discrètes, elles n’ont pas à être exposées pour le séchage. Elles sont alors fabriquées à partir du même matériau que celui utilisé pendant la Première Guerre mondiale pour les bandages médicaux. Dans les années 30, se développent ensuite les tampons, particulièrement appréciés des femmes physiquement très actives comme les danseuses ou athlètes par exemple. Avec l’entrée de plus en plus de femmes sur le marché du travail, les protections jetables sont alors devenues la norme, au point qu’elles sont devenues indispensables afin que les femmes soient “approuvées” par leur entourage. « C’est devenu la norme », explique Bobel, « selon laquelle les femmes et les filles doivent toujours se plier aux normes et standards de leur lieu de travail, pour être hyper-efficaces à tout moment. Vous ne pouvez pas laisser votre corps vous ralentir, voilà le message. » Le but était avant tout de cacher ce phénomène pourtant on ne peut plus naturel et nécessaire à la vie. Ainsi, sous l’argument marketing de la libération des femmes par rapport à la tyrannie des anciennes techniques ancestrales, ces produits les ont enfermées dans des décennies d’achat. A partir des années 1960, les protections hygiéniques ont commencé à intégrer de plus en plus de plastique. Les marques de serviettes hygiéniques se mettent à incorporer du polypropylène ou du polyéthylène mince, flexible et étanche aux fuites. Les progrès en termes de matières collantes ont ensuite permis de fabriquer des serviettes plus pratiques à fixer. Ca a ensuite été le tour des ailettes en plastiques et des cœurs absorbants en polyester. Les tampons tombent également dans cette tendance du plastique. Au début du XXème siècle, les médecins et une grande partie de l’opinion publique sont mal à l’aise face à l’idée que les femmes, notamment les jeunes filles, doivent entrer en contact avec leurs organes génitaux lors de l’insertion d’un tampon, comme l’explique Elizabeth Arveda Kissling, une experte des études de genre à l’université Eastern Washington University et autrice de Capitaliser sur la malédiction : le business des règles. La solution ? Le tube applicateur ! D’abord en carton (1929), ils sont constitués de plastique à partir des années 1970 (plus lisse, fin, flexible). Mais au-delà de l’applicateur, le plastique s’est même invité dans la partie absorbante elle-même.
Pour ce qui est de l’emballage, là encore, c’est une histoire de regard social. Au milieu du XXème siècle, les emballages sont devenus un moyen de se différencier pour les entreprises, sur un marché devenu très concurrentiel. Ainsi se sont généralisés des emballages individuels, que les femmes peuvent transporter facilement et discrètement. Dans certaines toilettes publiques, il existe même maintenant de petits paquets de sacs en plastique parfumés, prêts à enfermer et dissimuler les produits hygiéniques des toilettes jusqu’à la poubelle. A travers le phénomène des protections hygiéniques jetables, c’est bien l’histoire du regard porté sur les menstruations, ou plutôt du non-regard. “La honte accompagne toujours la vente de protections hygiéniques”, se désole Kissling. Heureusement, les mentalités semblent être en train de changer : si l’opinion publique a encouragé la folie du plastique, elle pourrait aussi y mettre un terme.

Les alternatives (écologiques) aujourd’hui

Le premier réflexe à avoir, pour sa santé comme pour l’environnement, est de s’intéresser aux matériaux utilisés. Pour les serviettes comme les tampons, il vaut mieux utiliser les produits certifiés bio, “ecocert” ou “gots” pour prévenir le risque de produits chimiques ou de pesticides présents dans ces protections. Ce conseil est d’autant plus important pour les tampons, directement au contact des muqueuses puisqu’il s’agit d’une protection interne. Mais même pour les serviettes hygiéniques c’est un critère important; n’hésitez pas d’ailleurs à changer de marque ou de protection en cas d’irritation voire d’allergie. L’écologie n’est en aucun cas un compromis sur la santé ! Le second est de limiter les déchets, et donc les protections jetables. Les solutions que nous allons vous proposer ici sont les trois solutions les plus écologiques, mais nécessitent de fait un minimum d’entretien, ce qui peut vite être contraignant quand on n’a pas le temps ou qu’on est loin de chez soi. Mais n’oubliez pas que si besoin vous pouvez toujours avoir recours à des protections jetables ponctuellement, et vous aurez déjà beaucoup réduit votre quantité de déchets ! La “cup” ou coupe menstruelle
https://youtu.be/67F0ZL9Mwko
La “cup” est une solution réunissant de plus en plus d’adeptes ces dernières années. Elle se présente sous la forme d’un entonnoir, ou d’une petite coupe qui recueille directement le sang menstruel. Elle s’insère dans le vagin à la manière d’un tampon, et comme lui doit être changée très régulièrement pour éviter les risques de choc toxique et autres infections potentielles. Il faut la changer toutes les 4 à 6 heures et la laver à l’eau, ainsi que la stériliser à l’eau bouillante à la fin de chaque période de règles. Elle ne contient aucune substance toxique et, souvent en silicone médical, elle est réputée sans danger. Une alternative plus saine donc pour la santé, plus économique (elle coûte entre 15 et 50 euros) et garantie zéro déchets. Il ne faut pas oublier que la cup est une protection interne, et à ce titre ne convient pas forcément à tout le monde (il faut être à l’aise à l’idée de la manipuler dans son vagin, trouver la taille qui convient, et les fuites restent monnaie courante au début). Pour trouver la cup qui convient, les utilisatrices parlent souvent de plusieurs essais (marques, formes…). Les tailles diffèrent selon l’abondance du flux, et si vous avez déjà accouché par voie basse ou non. Les serviettes hygiéniques lavables
Exemple de 3 serviettes hygiéniques lavables de la marque plim
Comme les serviettes hygiéniques classiques, ces protections externes se fixent sur la culotte, souvent à l’aide d’un bouton-pression. Composées généralement de coton, bio ou non, elles sont garanties sans produits chimiques et donc sans danger pour la santé. Le seul risque est celui d’une irritation, aussi important que dans le cadre de serviettes hygiéniques jetables. Elles sont lavables à la main, le plus tôt possible une fois retirées, et en machine à basse température à la fin de la période de menstruations. Elles possèdent une durée de vie allant de 5 à 10 ans. Il faut souvent prévoir entre 15 et 25€ pour une serviette, à changer régulièrement (selon le flux), et bien penser à faire un roulement (le temps que la serviette soit lavée et séchée avant d’être remise). On conseille donc d’avoir minimum 5 serviettes. Plus chère que la cup, cette solution moins invasive reste donc écologique et sans danger pour la santé. La culotte menstruelle
Exemple de culotte menstruelle de la marque FEMPO
Cette culotte, lavable et réutilisable, est composée de couches absorbantes, généralement en coton. Elle se garde 12h maximum, selon le flux, et est connue pour son grand confort et l’absence de risque de fuite. Avec une durée de vie estimée de 5 à 7 ans selon l’utilisation qu’on en fait, elle est donc très proche d’une serviette lavable. Entre 30 et 40€ en moyenne, elles représentent un investissement rapidement rentabilisé pour une solution écologique.

Si tu es intéressé.e par le sujet, nous te conseillons cet épisode du Podcast “Basilic” dans lequel est interviewée Claudette Lovencin, la co-fondatrice de FEMPO (une des marques pionnières en France pour ce qui est des culottes menstruelles). Elle y retrace son parcours et sa vision sur l’impact de la gestion des règles dans la confiance des femmes.

En complément de ces options du quotidien, il existe aussi des maillots de bain de règles, de plus en plus fréquents, bien qu’encore peu utilisés. Ils sont utilisés soit seuls en prévision des règles ou les jours de flux très légers, soit en complément d’une cup ou d’un tampon. C’est la solution idéale, écologique et sans danger pour la santé, pour continuer d’aller à la plage ou à la piscine en temps de règles.

En bref

Choisissez avant tout la solution qui vous semble la plus appropriée et la plus pratique. Le critère numéro un est de se sentir bien dans sa peau et dans sa culotte! D’autant plus que les protections touchent parfois à l’intime et à des questions de santé essentielles, il est donc nécessaire de vous respecter avant tout. Pour réduire l’impact écologique de vos protections hygiéniques, nous ne pouvons que vous recommander d’utiliser des protections lavables, le plus possible. Plus contraignantes par l’entretien nécessaire et la dépense de temps supplémentaire, elles restent la seule solution réellement écologique (et économique !). La gamme de ces solutions réutilisables pourrait encore croître, assurant que chacune y trouve son bonheur !

Sources

 

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