Des feux de forêt gigantesques en Amérique du Nord aux inondations record en Belgique ou en Allemagne, des ouragans aux vagues de sécheresse, vous aurez certainement remarqué que ce début d’année 2021, et particulièrement cet été, a été riche en catastrophes naturelles. Ce type de phénomènes n’a eu de cesse de voir sa fréquence augmenter ces dernières années et devrait encore se multiplier à l’avenir. C’est la raison pour laquelle nous avons décidé de dresser un bilan environnemental de l’été 2021 et de préciser ce que ces catastrophes et ces modifications de notre environnement traduisent du dérèglement climatique.
“Notre maison brûle” : une chaleur qui augmente de manière préoccupante
La multiplication des feux de forêt
Qu’il s’agisse des feux dans le Var cet été à l’échelle française ou bien de feux plus lointains mais tout aussi impressionnants, en Californie mais aussi de manière plus surprenante dans des pays plus froids comme le Canada ou la Sibérie, les incendies ont été légion durant la dernière période estivale. Ces feux ravagent la biodiversité, ne laissant derrière eux que des paysages désolés et des pertes environnementales et humaines importantes. Rien qu’en France, on estime que 100 000 hectares de forêt ont été détruits par les flammes ces dix dernières années, un chiffre inquiétant quand on se soucie de ce qu’il pourrait donner à l’échelle de la planète. Il s’agit là d’un phénomène d’autant plus remarquable que la fréquence et la durée de ces incendies ont beaucoup augmenté ces dernières années – certains de nos lecteurs se souviendront certainement du Dixie Fire, qui a sévi en Californie à partir de la mi-juillet 2021 ravageant des milliers d’hectares pendant près d’un mois, et aujourd’hui considéré comme le deuxième plus grand feu ayant touché cet État.
Mais pourquoi cette multiplication des feux de forêts ? Les incendies estivaux ne sont pas nouveaux, et certaines régions du monde ne peuvent quasiment pas y échapper. Ainsi, la France est-elle particulièrement vulnérable à ce phénomène, en tant que troisième pays le plus boisé de l’Union Européenne. Néanmoins, cette augmentation de la fréquence et de la durée des incendies découle directement du dérèglement climatique. L’occurrence d’un feu est la résultante de trois paramètres : la sécheresse des sols, la hausse des températures et la force des vents. Or, l’augmentation des températures ces dernières années, particulièrement en été, conduit à un assèchement de la flore des régions habituellement victimes des incendies saisonniers. Partant, de nouvelles régions se retrouvent exposées à des risques d’incendie alors que ce n’était pas le cas avant. Les régions traditionnellement touchées le sont plus longtemps, car la période de risque s’allonge en commençant plus tôt et en finissant plus tard.
L’essor de nouvelles problématiques urbaines
Nombreux sont les citadins qui rêveraient d’habiter à la campagne pendant les périodes de canicule. Happés par la chaleur, ils ne rêvent que de la fraîcheur procurée par une végétation dense. Et pour cause : la hausse des températures vient surtout toucher les grandes villes, où les vagues de chaleur se font le plus désagréablement sentir. Il s’agit d’un phénomène appelé “effet d’îlot de chaleur urbain”.
Mais de quoi s’agit-il et surtout, comment se manifeste-t-il ? Contrairement à la campagne, les villes se caractérisent par des sols qui ne laissent pas l’eau pénétrer dans la terre. Cette imperméabilisation des sols entraîne une absorption de l’énergie du soleil, de même que l’utilisation généralisée de matériaux de construction comme le béton. Le manque de végétation dans les villes est tel que l’évapotranspiration (c’est à dire le phénomène qui conduit l’eau à passer du sol à l’air à l’état de vapeur en raison de l’effet conjoint de la transpiration des plantes et de l’évaporation, directement du sol) est réduite. L’activité humaine et la disposition verticale des villes (multiplication de grands immeubles) créent de la chaleur et empêchent une bonne circulation du vent. C’est ainsi que les villes sont plus chaudes jusqu’à 4°C que les campagnes au même moment en période de vague de chaleur.
En plus de sa dimension évidemment désagréable, ce phénomène s’avère aussi particulièrement dangereux. On estime en effet que plus de 166 000 personnes sont mortes entre 1998 et 2017 d’une forte exposition à la chaleur. Mais ce phénomène ne touche pas tous les citadins de la même manière : les inégalités sociales se font sentir jusque dans le bilan des victimes. La répartition des villes selon une logique de ségrégation au siècle dernier aux Etats-Unis fait que les habitants issus de minorités ethniques, particulièrement les Noirs, sont plus touchés que les Blancs par les effets de ces fortes chaleurs. En cause, le fait que les communautés à faibles revenus, souvent issues des minorités, s’installaient historiquement dans les centre-villes, où les loyers étaient moins chers. Encore aujourd’hui, ces quartiers disposent d’un accès à l’eau et à la fraîcheur, notamment via la climatisation, plus réduit que les logements excentrés. Un fléau qui touche donc les populations les plus fragiles économiquement et qui, du fait de la hausse des températures, devrait encore s’accentuer au cours des années à venir. Le dôme de chaleur qui a touché le Canada cet été, avec un record de 47,9 °C à Lytton, a démontré que les vagues de chaleur en milieu urbain n’étaient pas prêtes de s’arrêter et que, surtout, elles s’intensifiaient de plus en plus.
Du trop au trop peu : retour sur un rapport à l’eau de plus en plus complexe
Des zones de sécheresse qui se multiplient
Vous aurez compris que les nombreux incendies qui se sont déclarés au cours de l’été n’auraient pas été aussi importants sans la sécheresse intense qui s’est emparée de plusieurs régions. Néanmoins, en plus des incendies, la sécheresse a d’autres conséquences, tout aussi préoccupantes, surtout dans des pays à l’équilibre alimentaire instable. Car, qui dit sécheresse dit aussi que les récoltes n’auront pas lieu telles qu’il était prévu. Si cette situation peut se produire de manière sporadique dans des pays européens, fragilisant l’économie locale et poussant les populations à importer de la nourriture d’autres pays, il n’empêche que la donne est très différente dans le cas de pays en cours de développement.
Ainsi, Madagascar connaît sa pire vague de sécheresse depuis quarante ans mais aussi une famine presque sans précédent. Toute l’année 2021 a été marquée par des pénuries alimentaires, mais cet été a achevé de mettre en péril la sécurité alimentaire de l’île. On estime que seules 50% des pluies habituelles sont tombées au moment des semis, ce qui conduit aujourd’hui les champs à ne produire que très peu de vivres. C’est toute une île qui est aujourd’hui en danger, d’autant plus que des tempêtes de sable régulières viennent recouvrir les terres agricoles et les quelques fruits, légumes et céréales qu’elles étaient parvenues à produire dans ces conditions. A l’autre bout du monde, le Nevada et la Californie ont aussi dû faire face à des vagues de sécheresse impressionnantes avec des précipitations très faibles, un assèchement de certains points et sources d’eau mais aussi un manteau neigeux particulièrement faible. Les climatologues estiment que les vagues de sécheresse vont se multiplier au cours des prochaines années, car il s’agit là de conséquences directes du changement climatique. Les régions les plus touchées sont malheureusement aussi celles qui sont souvent le plus fragiles économiquement et socialement et il s’agit d’un phénomène qui risque encore de pousser de nombreux réfugiés climatiques à se lancer sur les routes en quête de conditions de vie plus supportables.
Les inondations en Europe et en Chine
Les inondations en Allemagne et en Belgique de juillet dernier n’auront certainement échappé à personne : des vidéos montrant des voitures arrachées à leur stationnement et dérivant sur des flots déchaînés ont fait le tour du monde. Les pertes humaines sont venues s’ajouter à des dégâts matériels gigantesques avec plusieurs milliards d’euros de destruction : plus de deux cents personnes ont perdu la vie au cours de ces catastrophes. Des villages entiers ont été emportés dans les flots tandis que des dizaines de familles ont dû reconstruire autant que se reconstruire, après avoir été brutalement endeuillées.
Du fait de notre proximité géographique avec ces pays, vous avez peut-être été plus marqués par ces inondations que par celles qui ont touché la Chine. Pourtant, il s’agit de phénomènes climatiques tout aussi violents. Ainsi, certaines régions ont été la cible de précipitations que l’on pourrait qualifier d’inégalées : la ville de Zhengzhou a dû intégrer l’équivalent sur trois jours d’une année de pluie. Cet afflux d’eau inhabituel a entraîné l’évacuation de 380 000 personnes hors de la ville mais surtout la mort de près de trois cent personnes. Plusieurs d’entre elles ont péri dans le métro submergé par les flots, sans possibilité d’être évacuées.
Le récit de ces inondations fait frémir, cela ne fait aucun doute, mais c’est aussi le fait qu’elles puissent toucher des pays aux climats aussi différents qui s’avère particulièrement inquiétant. On estime que ces catastrophes devraient se multiplier dans les années à venir : si ces pluies à cette saison sont habituelles, leurs proportions, leur durée et leur fréquence le sont en revanche beaucoup moins. La communauté scientifique s’accorde à dire que si le dérèglement climatique n’est pas la cause directe de ces crues et de ces précipitations, il s’agit néanmoins d’un phénomène qui rend leurs conséquences anormalement importantes. De facto, lorsque la température augmente d’1%, ce sont 7% d’eau supplémentaires qui se retrouvent dans l’atmosphère : avec cette logique d’accélération, les effets des inondations sont aggravés et cela ne risque pas de s’arrêter.

Chaleur et eau : un combo perdant
Si l’on vous dit que l’eau monte, vous répondrez qu’il ne s’agit pas d’un phénomène propre à l’été 2021. Et vous aurez raison. Néanmoins, l’été passé a été riche en records devenus tristement célèbres. Ainsi, pour la première fois en août dernier, il a plu et non pas neigé sur le sommet de la calotte glaciaire du Groenland, signe d’une augmentation globale des températures aux pôles mais aussi d’une fonte des glaces qui s’accélère. Un phénomène tellement inédit que les scientifiques sur place n’étaient même pas prêts à mesurer la quantité d’eau tombée : ils n’avaient pas pris les instruments nécessaires pour réaliser ce type de mesures !
La fonte des glaces aux pôles, et tout particulièrement des glaciers, est considérée comme la deuxième cause de l’augmentation du niveau de la mer, après l’expansion thermique de l’eau à cause de l’augmentation des températures de l’océan. L’océan austral (c’est-à-dire l’océan qui recouvre la zone de l’Antarctique) a vu sa température augmenter considérablement ces dernières années, ce qui est encore venu perturber la circulation océanique. Une telle montée globale des eaux, en lien direct avec le réchauffement climatique, représente une menace directe pour les côtes belges et néerlandaises, mais aussi pour nombre d’îles, dont certaines commencent déjà à être submergées. Certains pays devront donc apprendre à faire face à des risques littoraux de plus en plus accrus.
Des écosystèmes perturbés
Le changement des floraisons, symptôme du dérèglement climatique
Les adeptes de fruits l’auront sans doute remarqué, cet été a été bien pauvre en pêches, abricots, et autres produits du verger. La faute au gel, qui a sévi dès avril sur des cultures qui avaient pourtant déjà commencé à porter leurs fruits – sans mauvais jeu de mots. A cela est venue s’ajouter une météo peu clémente, qui n’a pas permis aux fruits encore récupérables de se développer pleinement (notamment gustativement). Résultat : une hausse du prix des fruits et légumes mais aussi et surtout une diminution notable des quantités produites. Les récoltes ont été réduites de près de moitié tant les conséquences des aléas météorologiques se sont faites sentir. Or, il ne s’agit pas de la première année où ce genre de phénomènes survient : les agriculteurs doivent faire face de plus en plus fréquemment à des poussées de gel alors que les arbres présentaient déjà des bourgeons, et cela ne veut souvent dire qu’une chose : des pertes importantes sur les récoltes à venir.
Le phénomène de floraison est particulièrement révélateur de l’évolution du dérèglement climatique. C’est la raison pour laquelle une attention toute particulière est portée à celle des cerisiers au Japon, et plus particulièrement à Kyoto. La floraison constitue un moment important, sacré, pour les Japonais, et d’une beauté incroyable pour tous ceux qui souhaitent l’observer. Néanmoins, cette année, la floraison a été la plus précoce depuis… 1409 !! Il s’agit là d’un record dans le record, si l’on peut dire, mais aussi d’un indicateur très clair de la hausse des températures puisque les fleurs de cerisier sont très sensibles aux évolutions de chaleur.

Il y a fort à parier que ces modifications dans les floraisons et donc dans la production effective de fruits vont aller en s’amplifiant, entre l’augmentation des températures et la multiplication soudaine des vagues de gel.
Une vie marine chahutée
Vous n’êtes pas sans l’ignorer : lorsque vous partez en vacances sur la côte d’Opale ou que vous choisissez plutôt de vous dorer la pilule sur les rives de la Méditerranée, vous n’y allez pas avec l’espoir de trouver l’eau à la même température. Pourtant, on observe un dérèglement généralisé des températures de l’eau : les courants froids et les courants chauds ne se régulent plus de la même manière qu’auparavant, ce qui conduit certaines espèces à devoir migrer vers des eaux qui leur conviennent mieux. Mais de telles migrations ne sont pas sans conséquences sur leur cycle de reproduction et on recense plusieurs cas où le renouvellement des populations marines s’effectue de manière beaucoup moins fertile. Des espèces se voient donc fragilisées, un handicap dont la biodiversité se serait bien passée compte tenu de la situation de surpêche qui est déjà la nôtre actuellement.
L’océan est aussi considéré comme un gigantesque puits de carbone : il absorbe une quantité faramineuse d’émissions, mais cette “purification” de l’atmosphère est loin d’être sans conséquences sur la vie marine. On observe en effet depuis plusieurs années une acidification des océans, responsable de la fragilisation des bancs de coraux mais aussi de celle de la bonne tenue des populations marines. L’augmentation des températures observées au cours de l’année 2021 et particulièrement cet été indique que cette boucle rétroactive est loin d’avoir atteint son plein potentiel. La santé des espèces marines et l’état global des océans sont donc des sujets mis au cœur de nos préoccupations dans le cadre du dérèglement climatique.
Notre bilan climatique et environnemental de l’été 2021 s’achève ici, sur une note relativement sombre, nous en avons conscience. Le tableau dressé ici est sinistre, les catastrophes et les mauvaises nouvelles nombreuses. Néanmoins, à des échelles locales comme à des échelles nationales, certains se mobilisent et proposent des solutions innovantes pour lutter contre la généralisation de ces drames environnementaux et pour en atténuer les manifestations. Tout au long de cette année nous aurons l’occasion de revenir sur ceux qui agissent pour la planète, sur les hommes et les femmes qui s’adaptent et qui démontrent l’incroyable capacité de résilience qui peut être la nôtre. Des modifications de nos modes de vie à la restauration des écosystèmes, les initiatives sont plurielles et viennent éclairer ce bilan chargé, surtout si elles tendent à se généraliser.
Mérédith Piot
Sources :
L’atlas du réchauffement climatique proposé par Courrier International : une mine de renseignements particulièrement riche !
https://theworldnews.net/fr-news/feux-de-foret-un-ete-2021-sous-surveillance
https://reporterre.net/Partout-dans-le-monde-l-ete-des-calamites