Petit guide du Youtube vert et noisy.

Joli oxymore que voilà, n’est-ce pas ?  “Youtube” et “vert”, à première vue, ça ne va pas trop ensemble… Entre les activités d’un groupe tentaculaire et la pollution numérique engendrée par le visionnage de chats qui font du piano, on a du mal à voir comment ce géant du web pourrait être écolo et noisy ! Alors quitte à vous perdre sur youtube quand vous avez envie de procrastiner, voici quelques petites idées de chaînes qui donneront un peu de sens à vos errances digitales ! Parce qu’il n’y a pas d’heure pour en apprendre un peu plus sur les initiatives écologiques du moment ou pour regarder des fictions inspirantes !

1. Nicolas Meyrieux ou le ras le bol face aux abus

Vous avez sans doute déjà croisé Nicolas Meyrieux dans des courts métrages ou dans des webséries, mais le connaissez-vous sur sa chaîne personnelle éponyme ?

Sorti des cours Florent il y a maintenant plusieurs années, le comédien s’engage depuis quelque temps pour l’écologie et a débuté une véritable entreprise de sensibilisation via sa chaîne. Il y a créé plusieurs séries de vidéos, dont certaines concernent l’écologie. Parmi elles figure… La Barbe ! Vous vous en doutez, le nom n’a pas été choisi au hasard : dans ses vidéos Nicolas Meyrieux exprime la lassitude de toute une génération face au manque d’action pour limiter le changement climatique. Mais il ne s’agit pas là d’une démarche purement critique puisque Nicolas Meyrieux a aussi une approche informative des sujets qu’il aborde. De la fast fashion au greenwashing en passant par l’ubérisation, nous avons droit dans chacune des vidéos à un petit point sur la situation, avec des mises au point conceptuelles et des chiffres clés. Bien sûr, il s’agit là de vulgarisation -parfois scientifique- sur des sujets complexes, et Nicolas Meyrieux n’est pas dépourvu de toute influence (en témoigne son analyse du programme d’écologie des candidats favoris de la présidentielle 2017, en partenariat avec Greenpeace) mais La Barbe vous permettra sans aucun doute d’en apprendre davantage sur de nombreux sujets liés à l’écologie et au développement durable ! Et petit plus pour ceux qui s’intéressent au développement durable dans toute sa définition, c’est-à-dire en incluant sa composante sociale, cette chaîne aborde aussi des sujets sociétaux plus larges, et parfois un peu moins liés à l’écologie, comme les hôpitaux ou le big data.

Après un dernier épisode de La Barbe portant sur la théorie de l’effondrement, Nicolas Meyrieux a décidé d’arrêter le programme, jugeant qu’il avait fait le tour de cette forme pour servir les idéaux qui lui tiennent à cœur. Ne vous inquiétez pas, vous avez quand même cinquante-huit épisodes à votre disposition, donc vous devriez avoir de quoi faire ! Même s’il n’y a pas de nouveaux épisodes, cette chaîne vous présentera avec humour et des invités quand même très chics – Yes Vous Aime, Audrey Pirault, Verino ou encore Nicolas Pernot pour ne citer qu’eux – des pastilles sur de nombreux sujets environnementaux et sociaux, informatives, lucides sans être déprimantes et motivantes sans être péremptoires !

Si jamais vous accrochez à La Barbe et que vous finissez par être attristé par l’absence de nouvelles vidéos, Nicolas Meyrieux vous donne rendez-vous non plus sur Youtube mais sur le site de France TV via la récente plateforme Francetvslash avec la websérie informative Le Too Late Show. Ayant décidé d’expliquer aux (télé)spectateurs pourquoi il est trop tard (ou pas !), Nicolas Meyrieux reprend l’esprit déjà présent dans La Barbe en approfondissant les thèmes abordés. Et oui, qui dit soutien de la télévision dit aussi augmentation de budget, ce qui permet certes au comédien d’évoluer dans des décors plus variés que son studio aux couleurs de La Barbe, mais lui permet aussi et surtout de s’entretenir avec des experts et des acteurs concernés par les sujets qu’il aborde. Une digne continuation de sa chaîne Youtube donc, qui donne une nouvelle fois l’occasion aux internautes d’en savoir plus sur la pollution numérique ou la raison de la multiplication des épidémies à notre époque. Un travail plus que d’actualité…

2. Professeur Feuillage – de l’omniprésence du langage imagé dans la vulgarisation scientifique

La chaîne du Professeur Feuillage, alias Mathieu Duméry à la ville, présente aussi de nombreux épisodes de vulgarisation scientifique sur les enjeux environnementaux d’aujourd’hui. Mais ne vous inquiétez pas, il ne s’agit pas là d’un double de Nicolas Meyrieux puisque le professeur Feuillage et son acolyte Sophie Shemalenko ne sont pas le genre de personnages qui courent les rues !

Nous nous devons de souligner une chose avant de vous présenter plus avant les travaux du professeur : ses vidéos sont toujours irrévérencieuses, licencieuses, et questionnantes. Très irrévérencieuses. Très licencieuses. Très questionnantes. Dans les fameuses Chroniques écologiques du Professeur Feuillage, le professeur et la thésarde Sophie nous présentent une sorte de C’est Pas Sorcier à la sauce grivoise, enchaînant les vannes douteuses et les infos chocs. Il s’agit d’un format qui pourra déplaire à certains, mais beaucoup d’autres jugeront que le dosage entre blagues, humour noir et infos vaut néanmoins le coût. Lénie Chérino, l’interprète de Sophie, et Mathieu Duméry ont décidé de faire de l’humour une arme de communication massive. Très bien documentés, les épisodes qu’ils proposent sont aussi très bien tournés, avec un montage et une réalisation qui leur donnent un dynamisme rare pour des vidéos de vulgarisation scientifique.

Vous l’aurez compris, l’ironie et le sarcasme sont l’un des principaux biais de fonctionnement de cette chaîne, qui propose néanmoins des contenus fouillés, rapports et études à l’appui. Les Chroniques écologiques constituent la majeure partie des vidéos de la chaîne et abordent des sujets variés des gaz de schiste à la fonte du permafrost en passant par la déforestation. Le professeur aborde aussi la question de la pollution numérique via sa série Green Web ou s’amuse à détourner des scènes de films cultes à des fins informatives – nous donnant ainsi à voir une parodie hilarante de la scène du restaurant dans Quand Harry rencontre Sally. Dans un format plus sérieux et plus professionnel, mais aussi plus long (l’épisode le plus bref fait plus d’une heure), le JTerre vous propose des débats entre différents influenceurs francophones engagés pour l’écologie, dont Professeur Feuillage, donnant parfois lieu à l’invitation d’invités particulièrement intéressants.

Vous l’aurez compris, Le Professeur Feuillage ne plaira pas à tout le monde, certains jugeront son humour noir et grivois superflu compte tenu du format qu’il propose, mais cette chaine reste une mine d’informations incroyable. Et pour ceux qui auraient accroché aux conférences données par certains membres du cabinet Carbon 4, pour vous pouvez partir à la recherche d’une vidéo où participe Jean-Marc Jancovici, dissimulée dans les featurings de la chaîne !

3. Et tout le monde s’en fout, ou quand écologie et conscience environnementale et sociale riment avec sarcasme

“Va te curer les dents à la perceuse”, “Allume un cierge et range-le dans ta poche”, “Peut-être que ton cerveau existe dans la taille du dessus”.

C’est violent, vous direz-vous, mais ces punchlines incisives et décalées sont encore plus drôles prononcées sur un ton faussement angélique par Axel Lattuada dans le cadre de la web-série bi-mensuelle Et tout le monde s’en fout. Née il y a environ trois ans maintenant, cette web-série est le résultat de la collaboration du comédien avec Fabrice et Marc de Boni. Axel y expose face caméra ses réflexions sur la société contemporaine, sur nos modes de consommation, leurs significations mais aussi leurs conséquences sur la planète. Il ne s’agit pas là d’une énième série de podcasts vous disant qu’utiliser des bee wraps et du shampoing solide, c’est cool – même si ça l’est, entendons-nous – mais bien d’un petit ovni dans le microcosme du youtube écolo. Pour la réalisation de chaque épisode, Axel Lattuada profite du concours d’une équipe de journalistes qui l’aident à muscler l’argumentation et les données nécessaires pour construire ses épisodes d’environ cinq minutes. Capuche sur la tête, mitaines sur les mains, et un truc à grignoter quasiment en permanence dans le champ de la caméra, Axel Lattuada aborde avec patience et pédagogie mais sans démagogie une multitude de sujets écolos, sociaux ou même philosophiques. En vrac : l’eau, le vote blanc, les déchets, le racisme, l’estime de soi, le pouvoir, la publicité ou encore l’échec…

Le comédien prend ses spectateurs par la main en leur proposant un apport conceptuel dense à base de citations, d’analogies, de schémas mais n’hésite pas non plus à les brusquer un peu quand cela lui semble nécessaire. Ainsi, dans un exercice rhétorique dont on ne peut que remarquer l’intelligence, le personnage reçoit par l’intermédiaire de sa messagerie (fictive, si il en est) les potentielles remises en question et contestations du spectateur moyen mécontent. Il se sert de ces interventions choisies non seulement pour sortir les piques les plus imagées et inattendues que l’on a entendues depuis longtemps, mais aussi pour faire avancer son argumentation et combler les éventuelles zones d’ombre qu’il n’avait pas encore eu le temps d’éliminer.

Comme vous l’aurez compris, le format est dense, le verbe incisif, l’information précise, l’humour manifeste, mais parfois, même avec tout le talent du monde, il est difficile d’aborder totalement un sujet en seulement cinq minutes. C’est la raison pour laquelle les créateurs de la chaîne ont produit un autre format, intitulé Fini de s’en foutre, sur des sujets déjà abordés mais qui mériteraient d’être approfondis. Longues d’une vingtaine de minutes, ces mises au point nous donnent aussi l’occasion de mieux connaître les acolytes d’Axel Lattuada, le seul que l’on voit habituellement à l’écran, mais aussi de répondre aux questions que se sont posées les internautes en visionnant les capsules courtes.

Une chaîne pleine d’humour, parfois déroutante, et dont l’objectif est moins tant de nous abreuver d’informations que de nous pousser à réfléchir et à repenser notre rapport à nous, aux autres, au monde, et à l’environnement – oui oui, ça fait beaucoup de choses à repenser, mais ça vaut vraiment le coup !

4. Le Biais Vert ou comment sortir l’écologie de son ghetto

Si on continue dans la lignée des youtubeurs francophones, on quitte cette fois-ci la France pour nous rendre chez nos voisins belges avec Le Biais Vert, un magazine web indépendant qui analyse l’actualité par le prisme de l’écologie.

Il s’agit du bébé de Félicien Bogaerts, présentateur du JTerre dont nous vous parlions plus haut, et qui s’exprime face caméra sur des sujets de société, d’une voix grave qui lui donne des airs de vieux briscard de la radio. Outre le JTerre dont vous aurez compris le principe, Félicien Bogaerts publie aussi régulièrement dans sa série des Coups de gueule. Pas d’inquiétude, il ne s’agit pas d’un jeune homme qui éructe et crie tout au long de ses vidéos. Bien au contraire. Le jeune activiste présente les choses calmement et questionne la doxa, pro comme anti écologiste. C’est surtout par la dimension constructive de son discours que son format se caractérise, et nous entraîne dans un questionnement sur nos modes de consommation et de fonctionnement. Loin d’avoir une approche défaitiste et anxiogène des impératifs écologiques, Le Biais Vert postule une certaine neutralité comme dans son épisode sur l’effondrement qui souligne le fait que l’on ne doit pas voir celui-ci comme une chose négative ou positive, mais comme la simple conséquence de notre système productiviste. S’il risque d’être particulièrement violent sur le moment, il donnerait aussi l’occasion de reconstruire de nouvelles choses.

C’est aussi ce sens de la nuance et de la tempérance, devenu trop rare dans les débats sur l’écologie, qui portent nécessairement les gens à penser les choses de manière émotionnelle, qui rend cette chaîne aussi intéressante. Félicien Bogaerts pense la société par le prisme de l’écologie, certes, mais rappelle aussi l’importance de la solidarité, de la collaboration, tout en sachant qu’aucun modèle de société ne sera parfait. Démontant les stéréotypes sur l’écologie, le présentateur a de l’avenir dans le milieu de la préservation de l’environnement et des hommes. Si vous faites partie de ceux qui pensent que l’écologie sans questionnement social, ce n’est que du jardinage, alors courez voir cette chaîne aux 32.000 abonnés et qui en mériterait tellement plus !

5. Max Bird ou comment massacrer des feuilles presque blanches peut malgré tout aider l’écologie

Avis aux adeptes de vulgarisation scientifique, de nature et d’imitations de dinosaures troublantes de vérité, vous avez trouvé chaussure à votre pied ! Le Noise est heureux de vous présenter, si vous ne le connaissez pas, l’illustre Max Bird, de son vrai nom Maxime Déchelle. Ayant vécu une bonne partie de sa jeunesse en Guyane Française, il est vite sensibilisé à la beauté de l’écosystème tropical et de la multitude d’espèces rares qu’il abrite. C’est l’une des raisons pour lesquelles il passe un an, après avoir passé son bac, à photographier la faune amazonienne. Mais comment se fait-il qu’il soit passé de photographe animalier à humoriste montant de la scène française, avec au milieu une pause pour faire ses études de biologie ? Maxime Déchelle est lui aussi passé par les cours Florent et a monté en 2015 un one-man-show, L’Encyclospectacle – disponible en streaming sur France TV jusqu’en 2022, donc courez-y ! – qui explore avec humour et une gestuelle parfois exubérante des thèmes comme la théorie de l’évolution et qui a fait dire à certains critiques : “Max Bird sur scène, c’est un peu comme si Jim Carrey présentait «C’est pas sorcier”. Et il n’y a pas de doute là-dessus, il y a un peu de ce génie américain de la comédie chez lui, ainsi qu’une influence manifeste de Jamy Gourmaud !

Venons-en à la chaîne de Max Bird maintenant. Il s’agit là de la suite logique de l’Encyclo-spectacle, mais aussi d’une référence du youtube game écolo avec ses 700 000 abonnés ! Créée en 2016, cette chaîne donne à voir une vulgarisation scientifique qui vient battre en brèche des idées reçues par trop répandues. Alors certes, ces idées reçues sont loin de porter uniquement sur l’écologie. Il n’empêche que la lutte pour la préservation de la biodiversité reste au cœur de la démarche artistique et humoristique du comédien, qui déconstruit face caméra dans son studio les a priori que l’on pouvait avoir sur toutes sortes de sujets. A cette série des Idées Reçues viennent s’ajouter de nombreux vlogs, compris dans la série “Max Bird Safaris” et où Maxime Déchelle reprend son habit de photographe et de passionné d’ornithologie le temps d’une vidéo. On notera aussi que le comédien est soutien actif du recours juridique du collectif “L’Affaire du siècle”, et a beaucoup participé à sa diffusion. Une chaîne youtube pleine de surprises donc !

6. Yes vous aime – ou l’art de la parodie et du détournement

Peut-être connaissez-vous déjà Yes Vous Aime car en zonant sur Facebook ou Youtube vous êtes certainement tombés sur une vidéo de Broute. Oui, vous avez bien lu, Broute et non pas Brut, même si le premier découle tout à fait du deuxième. Broute, c’est la parodie du format carré du média numérique, qui reprend une forme devenue virale pour mieux moquer les incohérences de notre monde et souligner les détresses sociales, économiques, écologiques qui pèsent sur beaucoup de monde.

Mais nous nous devons de signaler une chose, avant de continuer : Yes Vous Aime, c’est loin de n’être “que” Broute. Pour commencer, Yes Vous Aime c’est un collectif de comédiens plus doués les uns que les autres : Moustafa Benaibout, Pauline Clément de la Comédie-Française, Johann Cuny et Bertrand Usclat, tous les quatre issus du conservatoire national d’art dramatique. Autant vous dire que le niveau de jeu est souvent épatant. Avant de créer le format Broute, les acteurs et leur réalisateur, Guillaume Crémonèse, ont fait le pari de la fiction sur Youtube. Un pari audacieux, s’il en est, puisque les vidéos de fictions, si elles peuvent s’avérer très qualitatives, restent néanmoins moins populaires que d’autres vidéos demandant un travail d’écriture, de réalisation et de montage moindre. S’il y a une chose que l’on doit souligner chez Yes Vous Aime, c’est leur liberté de ton et de création, permise notamment par le soutien de la chaîne TV Comédie + qui les rend moins dépendants de la volonté de l’algorithme youtube que d’autres créateurs.

De cette liberté – aussi contraignante car elle limite la visibilité de la chaîne à cause des choix de l’algorithme – découle presque naturellement ce goût de la satire et de la parodie propre à tous les formats créés par le collectif.  Avant Broute, le collectif avait déjà fait des formats originaux, comme le faux reportage sur une entreprise nommée Yoopi, calquée sur le modèle des starts-up de la tech à l’ambiance de travail souvent éloignée de la cool attitude affichée. On peut aussi citer la série Duplex, qui parodie les chaînes d’info en continu pour mieux souligner l’absurdité du traitement sensationnaliste et malsain de sujets graves, comme la précarité, la pauvreté, le racisme ordinaire… Une nouvelle fois, les Yes démontrent une inventivité, un humour, mais aussi un cynisme à toute épreuve, qui trouveront une nouvelle manifestation dans le format qui les a rendus encore plus populaires : Broute.

Créé il y a maintenant deux ans, ce programme court met l’ironie des Yes au carré puisqu’il s’agit d’une parodie absurde de Brut, le média en ligne français. Ce dernier donne régulièrement à voir des portraits de moins de cinq minutes de personnalités atypiques, ou des mini-reportages sur des situations polémiques du moment. Dans une interview récemment donnée à Antoine de Caunes dans son émission Popopop, Bertrand Usclat avouait que la réalité avait finalement plus d’imagination que le collectif et que ce qu’ils pouvaient imaginer de plus improbable finissait par se réaliser d’une manière encore plus exagérée dans la réalité. Les programmes Broute sont l’occasion de (re)découvrir la thématique du féminicide, des violences policières, du black friday et de son absence de sens ou encore de la précarité étudiante. Avec des talents de comédien indéniables, Bertrand Usclat se met dans la peau de dizaines de personnages et parodie avec un art de la pique remarquable un média qui ne fait que mettre en scène une époque absurde, peu soucieuse de ses ressources, humaines comme environnementales.

7. Les Parasites – ou comment très mal porter son nom compte tenu de ce qu’ils apportent à la société

La question du manque d’intérêt accordé à la fiction sur Youtube, déjà abordée au cours de cet article, trouve son aboutissement dans le travail de ce collectif de génies. Ici, point trop question d’humour, mais avant tout et surtout d’absurde et de sens. Présenté ainsi, cela peut sembler paradoxal, mais le fait est là : les Parasites passent par l’absurde pour questionner le sens de nos pratiques, de nos modes de vie, de nos interactions.

Mais d’abord, qui sont les Parasites ? Il s’agit d’un collectif de jeunes gens issus de l’École internationale de création audiovisuelle et de réalisation, et composé notamment de Guillaume Desjardins, Jérémy Bernard, Bastien Ughetto, habiles devant et derrière la caméra. Ensuite, il s’agit d’un collectif qui a commencé à se faire connaître via des courts-métrages présentés à des festivals comme le 48 Hour Film Project et dont le niveau de réalisation en si peu de temps a été remarqué à plusieurs reprises. Mais au fur et à mesure du temps, il est devenu difficile au collectif de raconter une histoire pour raconter une histoire : la quête de sens commençait. Progressivement, leurs courts-métrages se sont chargés d’une tension dramatique liée aux thématiques sociales et environnementales abordées. La question de la précarité, de la compassion, de l’artificialisation et de la numérisation de nos relations, de toutes sortes d’ailleurs… Tout cela passe par le prisme des Parasites, dans une atmosphère souvent surréaliste et un brin influencée par la science-fiction. Leur mode de réalisation et de narration fait dire à certains qu’ils seraient capables de nous faire oublier Black Mirror.

Leur faux documentaire, La Boucherie Ethique, a eu des effets retentissants et  a marqué un pivot dans leur lutte pour l’écologie et le bien-être animal. Le pitch ? Un reportage fictif au sein d’une “Boucherie Ethique” où les animaux ne sont pas tués mais seulement “prélevés” chirurgicalement puis vont finir leurs jours dans une belle retraite, se déplaçant sur des membres en plastique ou en métal. Ce traitement détourné de la question de l’élevage et de la souffrance animale permet au collectif de ne pas se placer en opposition directe aux détracteurs du végétarisme, mais bien de leur faire voir les choses sous un autre angle. Nul besoin ici de réfutations claires, la dimension dystopique de cette boucherie “éthique” s’en charge très bien toute seule. Les éléments argumentatifs des anti-végétarisme se dissimulent tout au long de cette vidéo d’une quarantaine de minutes, et la vacuité du fonctionnement de cette boucherie atypique permet à elle seule de les remettre en question avec beaucoup de force. L’absence de remise en question de nos pratiques alimentaires, et de la consommation de viande à outrance qui est désormais la nôtre mène ici à des phénomènes autant sources de gêne que questionnants, et en cela il s’agit d’un pari réussi pour le collectif : ils ont réussi à toucher leur public sans le dissuader par la rhétorique classique du militantisme premier degré.

Mais les Parasites vont plus loin, bien plus loin, avec L’Effondrement. L’Effondrement, c’est une série financée par Canal + et disponible sur Youtube en intégralité. L’Effondrement, c’est une prouesse de réalisation et de jeu avec huit épisodes de quinze à vingt minutes environ tournés uniquement en plan séquence. L’Effondrement, c’est ce qui se passerait si les ressources naturelles venaient à disparaître. Il s’agit donc d’une web-série post-apocalyptique et qui pourtant ne nous paraît pas si lointaine, tout au moins au début. Les Parasites proposent ici une vision singulière de la collapsologie, et tentent d’ “éveiller les consciences et permettre aux citoyens d’agir avant qu’il ne soit trop tard”. Chaque épisode nous présente la situation à un moment précis, J+2, J+5… et l’on voit la situation se dégrader au fur et à mesure du temps. Nous n’irons pas plus loin dans la description de cette série, autant pour ne pas divulgâcher que pour ne pas trop vous influencer dans la réception de ce contenu. Mais une chose est certaine : Les Parasites sont un collectif à suivre dans les prochaines années !

Sources:

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