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La COP 28

          La COP 28 s’est déroulée du 30 novembre au 13 décembre 2023 et a fait beaucoup parler d’elle. En effet, elle était très attendue, notamment pour le premier bilan des plans nationaux mis en place afin de limiter le réchauffement des températures depuis l’Accord de Paris. Chaque année, la COP est un événement crucial dans la lutte mondiale contre le changement climatique, réunissant des dirigeants, des scientifiques et des activistes du monde entier pour discuter des défis environnementaux les plus urgents. Quels étaient donc les objectifs précis de cette COP et qu’en a-t-il résulté ? Dans cet article, nous explorerons les enjeux clés, les attentes et les défis qui entourent la COP 28, après un bref rappel historique sur les précédentes COP.

Credit : Kiara Worth | UN Climate Change

Une COP, qu’est-ce que c’est ? Un peu d’histoire…

          Vous avez sans doute tous entendu parler des COP, au moins depuis celle qui a eu lieu à Paris en 2015. Mais à force de répéter l’acronyme, on en vient presque à oublier sa signification ! Les COP sont les Conférences des Nations Unies sur les Changements Climatiques. L’acronyme correspond en fait à Conference Of the Parties ou Conférence des États signataires, en français. 

          La première COP a eu lieu en 1995 à Berlin. Depuis, une conférence a été organisée chaque année dans une ville différente, réunissant une centaine de pays du monde entier afin de mettre en place des politiques de lutte contre le réchauffement climatique. Pour l’instant, seuls trois accords en sont sortis : le protocole de Kyoto en 1997, l’accord de Copenhague en 2009 et l’accord de Paris en 2015. 

          Les COP constituent l’un des points d’aboutissement d’un lent processus de reconnaissance des enjeux climatiques à l’échelle internationale. C’est à partir des années 1970 que la « protection de l’environnement » est devenue l’objet d’une lutte politique, nationale et internationale. La première conférence des Nations Unies sur l’environnement tenue à Stockholm en 1972 a évoqué l’impact négatif des activités humaines sur les réalités biophysiques, le climat et la   nature. Pour ne citer que les plus connues, plusieurs alertes ont été lancées dans la période d’après-guerre, du rapport du MIT (Massachusetts Institute of Technology) commandité par le Club de Rome The Limits to Growth en 1972, au Rapport Brundtland, Notre avenir à tous, en 1987 institutionnalisant le terme de « développement durable ». Cette dernière publication a d’ailleurs été rédigée par la Commission mondiale sur l’environnement et le développement de l’ONU. Son retentissement a conduit au Sommet de la Terre de Rio en 1992, qui a notamment abouti à la Convention Cadre des Nations Unies sur le Changement Climatique et à la Convention sur la Biodiversité… C’est une étape importante puisqu’il s’agit du premier traité international sur le climat. 

          En parallèle, le GIEC, Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat, est créé en 1988 par le PNUE (Programme des NU pour l’environnement) et par l’OMM (Organisation météorologique mondiale) et publie son premier rapport en 1990. Il réunit des scientifiques mondiaux sur les questions climatiques afin de réaliser un état des lieux des connaissances et de la recherche sur l’évolution du climat et son impact, ainsi que des synthèses à destination des décideurs. A ce jour, le GIEC a publié six rapports, qui constituent des documents scientifiques mondiaux de référence. 

          C’est donc à une échelle internationale que s’est développée l’action en faveur de la préservation de l’environnement, du climat et de la biodiversité. 

          La première COP, qui a eu lieu à Berlin en 1991, a fixé des objectifs chiffrés de réduction d’émissions de gaz à effet de serre pour chacun des 160 pays participants. Il ne s’agit cependant pas encore d’un accord contraignant. La deuxième COP s’est quant à elle déroulée à Genève, juste après la publication du 2e rapport du GIEC.  

          Le premier accord important issu des COP est le Protocole de Kyoto. Il s’agit du premier accord international contraignant, c’est-à-dire qui fixe non plus seulement des objectifs, mais aussi des obligations. Son objectif est la réduction des émissions de gaz à effet de serre1Le protocole fixe pour objectif une réduction d’au moins 5% des émissions des six principaux gaz à effet de serre d’ici 1990, dont le dioxyde de carbone, le méthane et le protoxyde d’azote. : en cela, il constitue donc une étape importante dans le long processus de prise de décision multilatérale sur l’environnement. Cependant, le protocole de Kyoto n’est entré en vigueur qu’en 2005, alors même que les deux principaux émetteurs de gaz à effet de serre, les États-Unis et la Chine, ne l’ont pas ratifié ; le Canada, quant à lui, s’est retiré de l’accord en 2011. Les huit années écoulées entre la COP et la ratification du protocole ont néanmoins permis la mise en place d’une méthodologie de comptabilité, de marchés d’émissions ou encore de mécanismes de flexibilité. 

          Les accords contraignants de Kyoto prenant fin en 2010, les COP suivantes ont notamment eu pour objet de réfléchir à « l’après Kyoto ». A ce titre, la COP 15 à Copenhague (2009) a suscité de nouveaux espoirs. A cette occasion, l’économiste Jean Tirole, prix Nobel d’économie en 2014, a écrit un rapport intitulé Politique Climatique : une nouvelle architecture internationale. Ce titre résume bien l’objectif des COP successives : créer l’architecture globale d’une politique climatique internationale sur le long terme. Dans son rapport, il analyse notamment les conditions nécessaires à l’élaboration d’un accord international sur le changement climatique : l’efficacité d’une politique fondée sur un système mondial de quotas échangeables, assurant l’unicité du prix du carbone ; la crédibilité des engagements des États, par la mise en place de mécanismes incitatifs et de sanctions ; l’adhésion des principaux acteurs, obtenue par des allocations initiales de quotas plus généreuses aux États logiquement réticents, en leur laissant le soin de les redistribuer en interne. Selon lui, l’un des principaux problèmes associé au changement climatique est l’absence d’un régulateur mondial capable de mettre en œuvre une politique efficace, avec un impact de long terme. Pourtant, la lisibilité à long terme est un élément clé de la réussite (à titre d’exemple, il pourrait s’agir d’un signal prix-carbone élevé afin d’encourager à la réduction des émissions de CO2). Plutôt que des accords sectoriels, il s’agit donc de privilégier une approche globale par le biais d’un prix unique du carbone et d’une allocation mondiale des droits à polluer. De plus, Tirole critique fortement le Mécanisme de Développement Propre (MDP), mis en place suite aux accords de Kyoto, qui permet aux pays développés d’obtenir des crédits carbone en réalisant des projets d’investissement réduisant les émissions de gaz à effet de serre dans les pays en développement. Il préconise l’inclusion des pays en développement dans le marché carbone, quitte à leur donner une allocation généreuse de quotas.
Pour Tirole, l’élément fondamental de l’accord souhaitable à Copenhague est une architecture cap and trade de Kyoto, c’est-à-dire la création d’une certaine quantité de droits à polluer relatifs à un objectif global de plafonnement des émissions de gaz à effet de serre (cap), les pays pouvant modifier la répartition initiale des droits à polluer en les échangeant sur le marché des permis d’émission (trade).

          Malgré ce programme proposé, l’accord de Copenhague, contrairement à celui de Kyoto, n’est pas juridiquement contraignant, et n’a pas défini d’objectif de réduction des émissions malgré l’objectif affiché d’une stabilisation de la hausse de température à deux degrés par rapport à l’ère préindustrielle. Le résultat de Copenhague n’est donc qu’une déclaration d’intention, jugée insuffisante aux vues de l’urgence de la situation. Cette COP a néanmoins abouti à la création d’un Fonds vert pour le climat afin d’encourager les pays développés à financer des projets d’adaptation et de lutte contre le réchauffement climatique dans les pays plus vulnérables. 

          Ce qui rend la prise de décision tant espérée si difficile, c’est que les accords ne sont déterminés que par la voie du consensus (quasi-unanimité). Si les points d’accords sont donc rares, on peut au moins penser que ceux qui font l’unanimité emportent l’adhésion et seront donc respectés. La lenteur des avancées s’explique donc par un processus démocratique de prise de décision, favorable au consensus. 

          Après une COP 15 décevante, la COP 21, qui a eu lieu à Paris en 2015, a suscité de nouveaux espoirs. L’objectif, qui était de conclure un accord permettant de prolonger le protocole de Kyoto en mobilisant les pays, les citoyens et les entreprises, a finalement été atteint. Afin de maintenir la hausse des températures sous la barre des +2°c par rapport à l’ère préindustrielle (voire 1,5°c), tous les États participants se sont engagés à communiquer de manière transparente leurs objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre

          En décembre 2022, la COP15 de Montréal a permis l’adoption par 196 pays d’un cadre mondial pour la biodiversité.

La COP 28

          Après une COP 27 encore décevante, aboutissant à un accord de principe sans action concrète, la COP 28 s’est déroulée du 30 novembre au 13 décembre 2023 à Dubaï, aux Émirats-Arabes Unis, le 7e plus gros pays producteur de pétrole. Bien que surnommée la « COP du pétrole » avant même de commencer, elle était notamment attendue pour la présentation du premier bilan global (Global Stocktake) prévu dans l’Accord de Paris, dont les résultats peuvent mener à une révision des objectifs de réduction d’émissions. Il s’agit d’un bilan non-contraignant, mais qui permet de mesurer le respect des engagements pris. Les points de discussion majeurs de ce sommet sont la sortie des énergies fossiles (responsables de 86% des émissions de gaz à effet de serre), l’adaptation au changement climatique (les pays émettant le moins de CO2 étant aussi les plus vulnérables), le financement de la transition énergétique et la création d’un Fonds pertes et dommages. 

           L’ouverture de la COP a cependant été accompagnée de quelques doutes concernant la pertinence des conditions de rassemblement. D’une part, plusieurs dirigeants des principaux pays émetteurs de CO2, à l’instar de Biden, ne sont pas venus à Dubaï, malgré l’enregistrement d’un nombre de participants le plus élevé depuis la création des COP : plus 80 000 participants sur la liste provisoire, plus de 100 000 autorisés à accéder à la zone bleue (négociations et pavillons d’États), et 400 000 personnes enregistrées pour accéder à la zone verte (salon ouvert au grand public). C’est près de deux fois plus que pour la COP 27… et c’est autant de personnes qui prennent l’avion pour se rendre à Dubaï, à l’exception de quelques militants ayant préférés la « mobilité douce ». 

          D’autre part, le fait que le président de la COP, le Sultan Ahmed Al Jaber, soit également le PDG de la compagnie pétrolière Abu Dhabi National Oil Company (et Ministre de l’industrie des Émirats), a soulevé quelques soupçons concernant l’engagement réel des parties prenantes, au-delà de « l’effet com ». Or le rôle du président est important puisqu’il dirige les négociations sur le climat et propose une vision globale tout au long des négociations. Bien qu’ayant déjà représenté les Émirats Arabes Unis lors des deux COP précédentes, il a été accusé par plusieurs ONG d’être le cheval de Troie du pétrole à la COP. En effet, sa compagnie pétrolière a récemment annoncé l’augmentation de 25% de sa production de pétrole d’ici à 2027, ce qui ne va pas dans le sens des objectifs de sortie des énergies fossiles par ailleurs actés lors de la COP. Il se justifie à ce sujet par la nécessité de répondre à une demande toujours plus élevée et il repose son objectif de neutralité carbone, comme d’autres compagnies pétrolières à l’instar de Chevron, sur les technologies encore coûteuses de stockage du CO2 (carbon capture). Mais si ces technologies peuvent effectivement aider à réduire les émissions, elles ne peuvent pas se substituer à une nécessaire réduction de la production mondiale. De plus, des documents ont révélé que le Sultan Ahmed Al Jaber comptait se servir de la COP pour conclure de nouveaux accords sur les combustibles fossiles ; ce qui semble avoir été démenti par l’accord final de la COP, mentionnant pour la première fois la nécessité de s’éloigner des combustibles fossiles. Alors qu’en est-il vraiment ? Entre paroles en faveur de la transition et actions allant dans le sens du développement des énergies fossiles, on ne sait plus très bien ce qu’il faut comprendre de ce personnage controversé et contradictoire… 

          On peut cependant retenir du premier bilan mondial (global stocktake) un objectif 2050 net zero, c’est-à-dire un équilibre entre émissions et absorption de dioxyde de carbone à l’horizon 2050 dans la perspective d’une transition hors des énergies fossiles. Ce premier point a néanmoins montré un immense décalage entre les objectifs annoncés lors de l’accord de Paris et les résultats huit ans après…

          Le fonds pertes et dommages constituait l’un des points majeurs abordés lors de la COP. Plutôt que sa réalisation, l’enjeu du rassemblement était de déterminer les modalités de sa gouvernance : la majorité des pays du Nord étaient favorables à le créer sous l’égide de la Banque Mondiale, ce qui a provoqué un mécontentement de la part des pays du Sud, qui estiment que la Banque Mondiale est contrôlée par les pays occidentaux, qui pourraient dès lors mettre en place des chantages politiques pour conditionner le versement des fonds. 

          Le rapport d’une vingtaine de pages se découpe en plusieurs parties : d’abord un résumé du premier bilan post-COP 21 puis les points d’engagement collectifs afin d’atteindre les objectifs fixés par les accords de Paris concernant l’atténuation (mitigation), l’adaptation et les moyens d’y parvenir (finance, technologie…). En résumé, voilà les principaux points d’aboutissement de la COP 28 : 

– Cet accord est le premier à mentionner explicitement l’objectif de « transition hors » des énergies fossiles (le terme de « sortie » ayant cependant été refusé…) afin d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. 

– Les différentes parties prenantes se sont finalement mises d’accord pour un Fonds pertes et dommage supervisé par la Banque mondiale avec un conseil d’administration comprenant autant de représentants de pays du Nord que du Sud. Ce fonds a pour but d’indemniser les pays en développement, premières victimes du réchauffement climatique bien qu’historiquement faiblement émetteurs de gaz à effet de serre. Aucun montant fixe n’a cependant été déterminé pour les versements des pays du Nord, même s’ils ont promis des centaines de millions de dollars. 3,5 milliards de dollars seront également versés pour reconstituer le Fonds vert pour le climat (COP de Copenhague). 

 – Les États participants se sont engagés à tripler leurs énergies renouvelables d’ici 2030. 

– Les pays encore dépendants du charbon pour produire leur électricité ont annoncé accélérer l’élimination progressive de cette source d’énergie. 

– Concernant le développement de technologies pour limiter les émissions, l’accord envisage une accélération des technologies à faibles émissions (hydrogène bas carbone, stockage de carbone, etc). 

– L’énergie nucléaire a été explicitement mentionnée et son expansion est encouragée d’ici 2050 afin de tripler ses capacités. 

          On peut par ailleurs noter que les états de fait et les préconisations des scientifiques sont bien pris en compte par les politiques présents, ce qui montre une préoccupation réelle pour la situation : « 5. Expresses serious concern that 2023 is set to be the warmest year on record and that impacts from climate change are rapidly accelerating, and emphasizes the need for urgent action and support to keep the 1.5 °C goal within reach and to address the climate crisis in this critical decade; »

          Ce rassemblement international se solde donc par quelques réussites, même si certains points ne sont toujours pas réglés. Le texte est jugé très décevant par des ONG et de nombreux États. Comme le souligne Joseph Delatte dans un article de l’Institut Montaigne « ni le financement, ni la méthode (abandon des hydrocarbures ou financements pour parvenir aux objectifs) ni l’échéance de cette transition ne font l’objet d’une décision claire, et […] ces trois points constituent autant d’enjeux profondément clivants… ». Ce sommet ouvre néanmoins de nouvelles discussions pour les COP à venir, notamment concernant la taxation mondiale des énergies fossiles et le statut.

Et après, encore d’autres COP ?

          La COP 29 aura lieu en Azerbaïdjan en novembre 2024, tandis que le Brésil s’est proposé comme pays hôte en 2025, date à laquelle est prévue la prochaine série de plans d’actions. 

La COP à plusieurs échelles

          En France, le Secrétariat Général à la Planification écologique et le Ministère de la transition écologique ont lancé des COP régionales  à partir du 14 novembre 2023. Ces événements sont l’occasion d’ouvrir une discussion et de présenter les travaux de planification écologique à une échelle territoriale dans le but de décarboner, améliorer la gestion des ressources naturelles et préserver la biodiversité. 

Les 4 étapes d'une COP régionale

          En effet, un travail de planification à l’échelle nationale a déjà été opéré par le SGPE, mais la territorialisation de la planification constitue une étape clé dans la transition écologique. Il s’agit en effet d’intégrer les spécificités de chaque territoire dans le plan national afin de rendre sa mise en application possible. De plus, cela permet de mobiliser les collectivités territoriales afin de promouvoir une mise en action à l’horizon 2030. 

          D’un point de vue de la gouvernance, les COP régionales sont co-animées par le préfet et le président de région. Les membres de l’assemblée sont constitués des conseils régionaux et départementaux ainsi que d’associations des maires, tandis que sont autorisés à participer aux débats tous les élus locaux, parlementaires et représentants de l’ensemble des parties prenantes. L’objectif est donc bien de mobiliser tous les acteurs concernés afin de susciter un mouvement d’ensemble, tant à l’échelle nationale que territoriale. C’est notamment ce que souligne Christophe Béchu, ministre de la Transition Écologique et de la Cohésion des Territoires, dans sa tribune COP 28 : l’écologie à l’échelle pertinente2Christophe Béchu, COP28 : l’écologie à l’échelle pertinente, Le Grand Continent, 04/12/2023 : https://legrandcontinent.eu/fr/2023/12/04/cop28-lecologie-a-lechelle-pertinente-1-1/

« L’écologie est bien ainsi une géo-politique, qui doit intégrer ces différentes dimensions (globale, européenne, nationale, locale) sous peine d’être rendue inefficace ou inacceptable. (…) Tout commence et tout finit par le local. Le local est d’abord l’échelle sensible de la prise de conscience climatique, car c’est là que se construit l’identité des individus et leur rapport au monde. (…) Il n’y aura pas de transition écologique dans un seul pays. Mais l’échelle nationale est centrale, car elle est le lieu privilégié du débat démocratique et de la construction de notre imaginaire collectif. »

Christophe Béchu, « COP 28 : l’écologie à l’échelle pertinente« , Le Grand Continent