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2021-2022 Présidentielles

Emmanuel Macron et l’environnement ou le difficile bilan du président-candidat 

Du retentissant  “Make our planet great again” à la peur d’un retour à “la lampe à huile”, il ne fait nul doute que le mandat de notre président actuel a été marqué par un sens émérite de la formule. Mais de la convention citoyenne pour le climat à l’assimilation de l’écologie au modèle amish, qu’en est-il des réalisations concrètes d’Emmanuel Macron en termes d’innovations environnementales et sociales ? Que reste-t-il non pas de nos amours, mais bien des promesses de campagne du président-candidat ? A l’approche des présidentielles, nous vous proposons de nous pencher sur le bilan du quinquennat Macron. 

Le début du quinquennat ou la force des symboles. 

Tout avait pourtant bien commencé pour Emmanuel Macron, qui souhaitait au début de son mandat se positionner comme un champion de l’écologie face à un Donald Trump climatosceptique et ouvertement opposé à la réalisation du contenu des accords de Paris. Si de son discours du 1er juin 2017, on retient surtout la formule choc “Make our planet great again”, charmant pied de nez à l’inconséquence trumpienne en matière climatique, on oublie peut-être un peu vite que le président fraîchement élu fait aussi à cette occasion une description détaillée des conséquences du dérèglement climatique sur la vie des hommes et l’environnement. Ce discours laisse espérer beaucoup, Emmanuel Macron faisant de la France un acteur engagé dans la transition écologique, soucieux de l’avenir de la biodiversité et apte à influencer d’autres puissances par la signature d’accords “ambitieux”. Une prise de position réussie donc, pour un chef de l’Etat qui avait déjà rallié à sa cause l’une des figures emblématiques du mouvement écologiste français quelques mois plus tôt. 

En effet, Nicolas Hulot avait rejoint en mai 2017 le gouvernement d’Emmanuel Macron en tant que Ministre de la Transition écologique et solidaire. Rappelons qu’avant les récents témoignages de viols et d’agressions sexuelles contre lui, Nicolas Hulot était considéré comme l’une des personnalités préférées des Français et constituait donc une prise de choix pour le Président. De fait, Nicolas Hulot a refusé plusieurs propositions des prédécesseurs d’Emmanuel Macron pour des postes similaires, affirmant qu’il ne souhaitait pas des compromissions souvent impliquées par l’exercice politique sur de telles questions. 

Autre mesure symbolique, Emmanuel Macron décide en 2018 de mettre fin au projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes. Pour rappel, il s’agissait à l’époque d’un projet pensé à partir des années 1960, et qui soulevait de fortes oppositions dues à la pollution qu’une telle construction engendrerait. L’arrêt du projet constitue alors une prise de décision lourde de sens, la Zone A Défendre de NDDL ayant été élevée au rang de symbole par nombre de militants écologistes. 

Le début du quinquennat Macron s’est donc caractérisé par des prises de positions fortes, et il n’en est que plus regrettable que le verdissement adopté par le Président n’ait eu de cesse de pâlir depuis. 

Grandeur et décadence de l’écologie jupitérienne : la valse des ministres

On dit que plus l’on monte haut, plus dure sera la chute. Et le mont Olympe, ne nous mentons pas, c’est haut. Ainsi en est-il allé rapidement des espoirs suscités par les premiers jours du quinquennat en matière d’environnement. En août 2018, Nicolas Hulot cristallise la déception liée à l’absence de dynamisme de la politique environnementale française en démissionnant en direct lors d’une interview accordée à France Inter : “Je ne veux pas donner l’illusion que ma présence au gouvernement signifie que l’on est à la hauteur sur ces enjeux-là”, affirmera-t-il. Il faut croire que, décidément, beaucoup de choses auront tenu à des effets d’annonce et que dépasser la force du symbole pour entreprendre des actions concrètes s’avère plus délicat que prévu. Après la défection de Nicolas Hulot, c’est une véritable valse des ministres qui se joue au ministère de l’écologie. Au militant écologiste succède François de Rugy, un choix qui prêterait presque à rire tant ce successeur est perçu par beaucoup comme adepte d’une écologie de façade. Cependant, son action à la tête du Ministère ne dure pas longtemps, puisque cet ancien membre du PS rallié à LREM quitte son poste un an plus tard, après avoir mouillé dans ce que d’aucuns qualifient de “scandale des homards”. Monsieur de Rugy est alors remplacé par Elisabeth Borne, qui cumule avec le ministère des Transports; une approche plurielle, dirons-nous, pour cette politicienne expérimentée qui témoigne de l’importance accordée par le Président aux enjeux cruciaux du dérèglement climatique. Néanmoins, ce cumul des mandats, d’autant plus ironique qu’Emmanuel Macron s’était élevé contre ce principe au cours de sa campagne, prend fin un an plus tard avec l’arrivée de Barbara Pompili qui reprend le Ministère de la Transition écologique. 

Avec quatre ministres différents en quatre ans, le quinquennat Macron se caractérise par une inconstance non seulement regrettable mais aussi dommageable à la réalisation des projets nécessaires à la transition écologique. Mais comment comprendre cette faillite ? Où résident les dysfonctionnements de ce quinquennat ? Et quelles ont été les réalisations effectives du mandat LREM ?

Les réalisations du “Champion de la Terre” : retour sur les avancées du quinquennat Macron 

Il serait néanmoins malhonnête de ne reconnaître au Président en exercice aucune avancée dans la lutte contre le dérèglement climatique. On peut tout d’abord citer deux mesures, symboliques certes, mais tout de même positives, qui ont eu lieu au début de ce mandat présidentiel : tout d’abord les nombreux recours à l’encontre du projet dit de la Montagne d’Or, une mine d’or à ciel ouvert en Guyane qui soulève l’opposition de nombre de militants écologistes, ainsi que la fermeture de la centrale de Fessenheim, elle aussi très symbolique. Il ne fait aucun doute que la question du nucléaire divise, au sein même du mouvement écologiste d’ailleurs, et cette fermeture en juin 2020 était sans aucun doute lourde de sens. Autre mesure symbolique, celle du One Planet Summit en 2017, peu de temps après le discours en réaction au départ des Etats-Unis des accords sur le climat. Il s’agissait d’un rassemblement d’acteurs de la finance publique mais aussi privée visant à soutenir, voire à renforcer, la lutte contre le dérèglement climatique. L’une des qualités de cet événement réside dans la dimension internationale de ses participants, puisque l’idée est bien de mobiliser la finance mondiale. 

Au-delà du symbolique, quelques mesures demeurent significatives à l’échelle de ce mandat. Tout d’abord, Emmanuel Macron est celui qui a instauré la création du Haut Conseil pour le Climat en novembre 2018. Il s’agit d’un organisme indépendant, principalement constitué d’experts sur des questions environnementales, scientifiques, et économiques, qui a pour vocation de rendre des propositions et des recommandations pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre en France. Dans cette même optique d’une modification de nos activités les plus polluantes, Emmanuel Macron a beaucoup œuvré pour la rénovation des “passoires thermiques”, ces logements mal isolés et donc très consommateurs d’énergie. Ainsi, si le nombre de rénovations privées proposé durant la campagne ne correspond pas à ce qui a été réalisé, il n’empêche que le plan de rénovation des bâtiments publics, d’un montant de 4 milliards d’euros, reste un engagement fort du mandat. 

Le quinquennat d’Emmanuel Macron en termes d’innovations sociales et environnementales est aussi beaucoup passé par des lois : la loi AGEC, la loi EGalim, la loi d’orientation des mobilités… Penchons-nous sur ces avancées juridiques. Tout d’abord, la loi EGalim, résultante des Etats Généraux de l’alimentation, impose à la restauration collective publique de proposer au minimum 50% de produits issus de l’agriculture durable, dont minimum 20% doivent être biologiques. Il est prévu que cette mesure soit étendue aux restaurants d’entreprises privées d’ici 2024. Il s’agit non seulement de promouvoir une alimentation plus saine et plus durable, mais aussi de réduire la maltraitance animale. En parallèle on peut aussi citer la loi Anti-Gaspillage pour une Économie Circulaire (AGEC), adoptée en février 2020. Cette loi a pour objectif de réduire le gaspillage et l’obsolescence programmée et de favoriser le réemploi, tout en réduisant nos déchets plastiques. Cette loi se traduit d’abord par l’abandon des pailles et des couverts en plastique, et depuis peu par une interdiction de suremballage des légumes de moins de 1,5 kilos. Heureusement, elle ne se limite pas à ces seules mesures puisqu’elle établit aussi qu’il est désormais interdit de détruire des invendus non-alimentaires. La restauration collective et le secteur de la distribution alimentaire devront réduire leurs emballages plastiques de moitié, tandis que de nombreux fabricants devront proposer ou des services de réparation, ou fournir des informations permettant de produire des pièces de rechange en imprimante 3D en cas d’indisponibilité des pièces en question. On voit que la loi AGEC aborde de nombreuses questions très importantes dans la réduction de nos émissions de gaz à effet de serre et de la pollution engendrée par nos activités et nos modes de vie. Nous nous permettrons de citer une troisième loi, la loi d’orientation des mobilités, adoptée en 2019, qui avait pour objectif de rendre plus faciles, plus propres et moins onéreux les transports du quotidien. Ainsi, l’Etat investit environ 13,4 milliards d’euros sur la question des transports durant le quinquennat Macron, dont les trois quarts sont destinés aux voies ferroviaires, et encourage les mobilités douces avec le Plan Vélo et le fonds Vélo qui l’accompagne, d’une valeur de 350 millions d’euros. Favorisant le covoiturage et établissant la fin de la vente des véhicules à énergies fossiles carbonées d’ici 2040, la loi d’orientation des mobilités instaure aussi des Zones à faibles émissions permettant aux collectivités territoriales de limiter la circulation des véhicules les plus polluants. 

Enfin, et il s’agit là d’une indication non négligeable, le Haut Conseil pour le Climat a jugé que le plan de relance présenté par le Président au lendemain de la crise Covid, ou tout au moins des premières vagues de contamination, était bien positionné à l’échelle mondiale, avec près d’un tiers du plan consacré à la réduction des émissions de gaz à effet de serre (soit un total de 28 milliards d’euros alloués à cette entreprise). 

Reculer pour mieux sauter ou l’art  du retardement

Pour autant, en dépit de ces mesures positives, le bilan d’Emmanuel Macron est loin d’être exemplaire sur les thématiques environnementales. Pour celui qui affirmait lors de son discours de 2017 que “sur le climat, il n’y a pas de plan B, parce qu’il n’y a pas de planète B”, il est d’autant plus regrettable de reculer sur de trop nombreuses prises de décisions en matière climatique. La condamnation de l’Etat français pour “préjudice écologique” et pour “inaction climatique” à deux reprises en 2021 vient incarner pleinement cet échec de la politique macroniste, rendu d’autant plus perceptible que les Français espéraient, dans ce domaine comme sur beaucoup d’autres, une “Révolution”. Penchons-nous sur les échecs et les reculades du gouvernement Macron. 

Un reproche régulièrement fait à la politique environnementale menée durant ce quinquennat est sans aucun doute son manque d’ambition. Pour commencer, il est inévitable de souligner qu’Emmanuel Macron n’est pas allé jusqu’au bout de certaines de ses promesses de campagne. Ainsi, alors qu’il avait projeté de fermer l’intégralité des centrales à charbon restantes en France, il n’en a fermé que trois sur quatre. Ensuite, beaucoup ont regretté que des mesures soient prises sans pour autant impliquer un volet contraignant. Il en va ainsi du plan biodiversité, à l’époque proposé par Nicolas Hulot et qui devait se composer de quatre-vingt-dix mesures visant à préserver la richesse de la biodiversité française. Dans les faits, ce plan comporte des mesures uniquement incitatives et non-contraignantes, ce qui est relativement alarmant compte tenu de l’importance de cette préservation pour le climat. Pour autant, le plan biodiversité n’est rien comparé à la déception engendrée par les résultats de la Convention Citoyenne pour le climat. Constituée en octobre 2019, cette réunion de cent cinquante citoyens tirés au sort – et qui n’étaient donc pas nécessairement sensibilisés à l’écologie avant cette entreprise de consultation – avait pour objectif de “définir les mesures structurantes pour parvenir, dans un esprit de justice sociale, à réduire les émissions de gaz à effet de serre d’au moins 40 % d’ici 2030 par rapport à 1990”. Après plusieurs mois de délibération, elle publie en juin 2020 un rapport composé de 149 propositions. Sur ces 149 propositions, Emmanuel Macron s’engage à soutenir “sans filtre” 146 d’entre elles. Pour autant, de nombreux militants écologistes accusent le gouvernement d’avoir écarté les plus ambitieuses d’entre elles pour se cantonner à des thématiques annexes. Les 150 citoyens ont d’ailleurs exprimé leur mécontentement sur la faiblesse des décisions finalement retenues en notant en dessous de la moyenne la prise en compte de leurs propositions par le gouvernement, et ce pour tous les sujets de réflexions abordés. Pour de nombreux citoyens concernés par ces questions, la loi Climat et Résilience s’avère extrêmement décevante et beaucoup voient dans la Convention Citoyenne pour le Climat une parodie de consultation démocratique. 

Mais le manque d’ambition n’est pas la seule raison de cet échec relatif de la politique environnementale du mandat d’Emmanuel Macron : on peut voir dans ce quinquennat une inclination certaine aux retours en arrière, aux atermoiements – et la théorie des petits pas n’est pas dénuée de mérite, c’est certain, mais encore faut-il que le gouvernement ne pratique pas le célèbre “un pas en avant, deux pas en arrière”, sans quoi le chemin risque d’être extrêmement long. Dans cette lignée, nous pouvons commencer par l’augmentation des plafonds carbone sur la période 2019-2023, qui n’est rien d’autre que remettre à plus tard les efforts qui devraient être opérés maintenant. On peut aussi évoquer le retour sur l’interdiction du glyphosate : alors qu’il s’était engagé dans son programme électoral à l’interdire d’ici 2020, le chef de l’Etat est revenu sur cette décision en reconnaissant qu’il avait surestimé la marge d’action de la France sans que cette interdiction du glyphosate soit étendue à l’échelle européenne. Ainsi beaucoup de citoyens préoccupés par cette question attendent beaucoup de la présidence française du conseil de l’Europe au même moment où Emmanuel Macron appelle actuellement à une réponse commune européenne. Autre sujet de reculade, les néonicotinoïdes, une famille d’insecticides fortement contestée, n’ont pas connu l’interdiction définitive qu’on leur souhaitait. Interdits à l’échelle européenne en 2018, ils ont connu un retour supposé temporaire pour certaines cultures – principalement les betteraves sucrières –  en 2021 et pourraient être utilisés à nouveau en 2022. Le porte-parole de Greenpeace Clément Sénéchal déplore que “finalement, l’exception devien[ne] la règle”. 

Enfin, l’une des causes de la déception suscitée par les mesures environnementales du gouvernement réside dans ce qu’on pourrait qualifier d’immobilisme ou de manque de réactivité sur de trop nombreux sujets. On peut ainsi souligner que certains choix stratégiques du Président posent réellement question : sur l’ensemble du plan de relance, 17 milliards d’euros sont consacrés à une relance de l’aviation, ce qui n’est pas sans soulever beaucoup d’oppositions dans un contexte où les émissions de gaz à effet de serre issus du transport aérien sont fortement pointées du doigt. Si le secteur de l’aviation constitue l’une des industries françaises les plus réputées, il n’empêche qu’il s’agit là d’une prise de position éminemment problématique en termes d’innovations environnementales quand on sait qu’on a observé une stagnation des émissions de gaz à effet de serre pour le domaine des transports alors qu’il s’agit d’un des principaux postes émetteurs. Il s’agit là d’une stagnation d’autant plus inquiétante que la France est loin de parvenir à s’approcher de ses objectifs de réduction des émissions de GES. 

On peut donc dire que le bilan environnemental d’Emmanuel Macron a souffert de son discours emphatique des débuts, qui a beaucoup laissé espérer aux citoyens concernés par l’écologie. Naturellement, le quinquennat Macron allait probablement avoir un bilan mitigé, à l’instar de ses prédécesseurs, mais ce contraste se ressent peut-être d’autant plus que la création du quasi mythe de “Champion de la Terre” n’a pas connu d’actualisation digne de ce nom au cours des cinq années écoulées. Face à des militants écologistes qui ont souvent le sentiment que la crise Covid élimine de beaucoup cette question du débat et des décisions publics, l’ensemble des actions gouvernementales pour réduire notre empreinte carbone et préserver l’environnement et la biodiversité apparaît trop superficiel.