Catégories
2021-2022 Initiatives

L’environnement vu par les enfants, ou comment faire grandir nos jeunes pousses

Les jardiniers et les éducateurs -que ce soient les parents, les professeurs ou même toi Julien, qui apprends à ta petite cousine que ses écouteurs ne sont pas faits pour aller dans le nez- s’entendent sur une chose : ils veulent voir leurs jeunes pousses grandir dans les meilleures conditions ! S’il faut pour cela de l’eau fraîche et du soleil, parents comme jardiniers vous assureront qu’il y a un autre ingrédient secret : l’amour et l’écoute. 

De nombreuses études ont montré que les paroles et principalement les musiques auxquelles étaient exposées les plantes avaient une grande importance sur leur développement, et il n’y a pas besoin d’études pour savoir qu’un enfant grandit mieux quand on lui parle et qu’on l’écoute avec amour. Mais dresser un parallèle entre la croissance de nos jeunes têtes blondes et celle des plantes n’exclut pas le fait que la relation entre ces deux-là est aussi une relation de dépendance. Les enfants d’aujourd’hui sont peut-être les derniers à pouvoir sauver la planète, et ils auront besoin de ses ressources pour s’épanouir. 

Qu’en pensent-ils ? Ont-ils de la peur ou de l’espoir ? Et surtout, comment leur donner les bons réflexes, pour qu’ils grandissent en harmonie avec le monde qui les entoure ? A vos tuteurs, il est grand temps de faire germer en eux une graine consciencieuse. 

Quelle conception ont les enfants des enjeux environnementaux ?

Pour le savoir, on aurait pu éplucher les articles et citer toutes les sources de l’INSEE, mais au NOISE ESSEC, on préfère y remonter, à la source. Nous nous sommes donc rendus dans une école primaire, celle des Chadrillons à Soucieu-en-Jarrest dans le Rhône, pour échanger directement avec les enfants. Nous remercions par ailleurs toute l’équipe pédagogique pour avoir permis cet échange, et nous remercions aussi franchement les enfants pour leur insouciance et leur optimisme décapant. 

Les classes de CP, CE2, CM1 et CM2 se sont gentiment prêtées au jeu, et même si les plus connaisseurs auront remarqué qu’il manque des CE1, n’allez pas croire que l’étude en est biaisée. Ce n’est pas chose aisée que d’aborder ces petits monstres, mais il fallait bien commencer par quelque chose, et nous leur avons donc demandé tout naturellement ce que l’environnement représentait pour eux. Chez les CP, la première bonne réponse fuse : ce sont les coccinelles, bien évidemment ! Les CM1 ont quant à eux une réponse bien plus élaborée, étonnamment complète pour leur jeune âge, puisque l’un d’eux définit l’environnement comme l’ensemble des relations entre la faune et la flore. Chapeau bas, on n’a peut-être finalement pas grand-chose à leur apprendre. 

Maintenant que tout le monde voit ce qu’est l’environnement -pour les lecteurs moins pertinents que les CM1, je vous invite à le Googliser-, il est temps d’aborder les problèmes qui y sont liés. S’il est difficile pour les plus petits de citer des enjeux précis, l’idée qu’il y a un dérèglement climatique et des menaces pour la vie en général est bien ancrée dans la tête des élèves dès le CE2. Tous s’entendent sur le fait que l’homme en est responsable, reconnaissant même qu’ils pouvaient chacun avoir une part de responsabilité -les plus malhonnêtes feraient bien de s’en inspirer-, mais il n’empêche que les CE2 pointent principalement du doigt les adolescents qui jettent leurs canettes n’importe où.

Quoiqu’il en soit, les chérubins semblent plutôt bien au courant des enjeux, les CM2 s’improvisant même météorologues. Mais malgré la gravité de la situation qu’ils décrivent avec leurs mots propres, l’immense majorité ne semble pas effrayée par ce qui se trame, et reste persuadée que tous ensemble, on peut s’en sortir. S’il est vrai que leur éternelle insouciance leur sert peut-être d’œillères, cela reste beau de voir qu’ils ne sont pas touchés par le marasme que leurs parents ou la télévision peuvent leur servir à profusion, même si le cas du coronavirus semble les toucher particulièrement. 

Leur optimisme pourrait paraître vain s’il n’était pas appuyé par des gestes que tous semblent appliquer – nous reconnaîtrons volontiers que ce n’est peut-être pas le cas dans les autres communes de France. En effet, les enfants assurent agir à leur échelle pour protéger la planète, que ce soit en triant leurs déchets, en faisant attention au gaspillage, en participant à des « Proprenades » ou encore en plantant arbres et arbustes avec leurs grands-parents. Pleins de bonnes intentions, les enfants promettent qu’ils sont prêts à ne plus acheter de choses qu’ils n’ont pas déjà, et un CM1 s’inquiète même de la consommation de ses jeux vidéos -ne t’inquiète pas, des adultes dépensent des millions pour acquérir des singes en NFT, Pokémon est loin d’être le problème principal.

Mais que font leurs parents dans tout cela ? Nous pouvons vous assurer en tout cas que s’ils doivent être surpris à laisser couler l’eau, jeter une cigarette ou prendre des douches à rallonge, les remontrances de leur progéniture sauront se montrer cinglantes. De bonne foi, les CE2 reconnaissent que sans leurs parents, ils n’auraient jamais appris ces gestes simples, mais ce n’est pas une raison pour que ces apprenants se laissent aller. Par-dessus tout, pour reparler du pire ennemi de nos écoliers, il faut que les papas et les mamans arrêtent une bonne fois pour toute de jeter leur masque ailleurs qu’à la poubelle prévue à cet effet. 

Ainsi, concrètement, les enfants proclament être concernés par l’enjeu climatique, et agir au quotidien en conséquence. Mais au-delà des actes, ce qu’il y a de plus fertile chez un enfant, pour reprendre le parallèle avec la nature, c’est l’imagination. Aussi avons-nous demandé quelles étaient leurs idées pour lutter contre la dégradation de notre belle planète bleue. Aux CE2 de s’étonner du fait que personne n’ait jamais pensé à créer un aspirateur à pollution, ou au moins un camion sur lequel il suffirait de fixer un aspirateur-trieur pour les déchets. Après un débat houleux, ils en sont arrivés à la conclusion que le plus difficile dans ce projet serait assurément de trouver quelqu’un capable de prêter son camion. 

Rassurez-vous, de nombreuses autres idées sont pertinentes et davantage réalisables -non Charles, ce serait difficile de mettre tous les pollueurs en prison, et ne plus payer les éboueurs ne changerait rien au problème. La thématique la plus chère aux yeux des CM1 est celle des transports, et leurs idées rejoignent celles des plus éminents scientifiques, puisqu’ils pensent à utiliser des biocarburants plutôt que du pétrole afin d’alimenter les moteurs, les CP argumentant aussi en faveur des fameuses voitures électriques sans fumée. Si on nous propose aussi de remplacer les motoneiges par des « trottineiges », on a de manière plus prosaïque des idées de covoiturage et transports doux très faciles à mettre en place.

L’industrie du textile se verrait aussi révolutionnée par les CM2, qui pensent à faire tricoter les mamies, à savoir que certaines familles produisent déjà leur propre lessive – un grand bravo, nous ne savions même pas que c’était possible. Ils pensent aussi que si l’on commençait tous par donner les vêtements dont on ne veut plus plutôt que de les jeter, on ferait déjà un grand pas. Beaucoup de leurs idées paraissent ainsi très simples, presque trop pour qu’elles ne soient pas appliquées plus largement, mais il faut croire que nous n’avons pas tous leur force d’esprit et leur enthousiasme capable de soulever des montagnes.

 Il ne nous restait plus qu’à les remercier pour ce moment de tendresse et d’espièglerie, leur souhaiter le meilleur pour la suite -les maîtresses et les maîtres insistent à raison, cela passera par le travail – et digérer maintenant ce qui venait de nous être donné.

Devant des racines si vigoureuses, que pouvons-nous apporter à ces graines pour qu’elles continuent à pousser dans la bonne direction ?

Il ne suffit pas de se réjouir du début de prise de conscience et de la volonté inébranlable de ces enfants, il s’agit maintenant, pour nous les grands, de s’en inspirer et de leur fournir l’engrais nécessaire pour qu’ils ne perdent pas cette fougue contagieuse.

 Après avoir échangé avec eux, une chose nous marque : la manière dont ils sont transportés, dont leurs yeux pétillent au-dessus du masque quand ils racontent des anecdotes où ils ont fait preuve d’engagement auprès des gens qu’ils aiment. Le covoiturage n’aurait pas d’intérêt s’il ne servait pas à aller à l’école avec un copain, et planter des fraises n’aurait jamais eu la même saveur si on ne l’avait pas fait avec nos grands-parents.

 Cette force de l’anecdote, enracinée dans le cerveau de l’enfant aux côtés de souvenirs positifs, est parfaitement dépeinte par Luc MARESCOT dans son film « Poumon vert et tapis rouge » – nous l’avions diffusé à l’ESSEC en sa présence, mais nous étions regrettablement assez peu mails il n’est jamais trop tard pour vous rattraper ! Dans ce film, très beau et inspirant au demeurant, Luc MARESCOT raconte combien les souvenirs d’enfance, à la manière de la madeleine de Proust, peuvent être déterminants pour le rapport futur de l’individu à l’environnement. En effet, un enfant qui associera la dégustation d’un menu McDonalds à un bon moment en famille se laissera tenter des années plus tard par ces produits avec une nostalgie amusée. Plus que le goût, c’est le souvenir qui lui plaira, et le potentiel impact sur l’environnement n’interviendra bien qu’après dans sa réflexion, quand bien même il y aurait été sensibilisé plus tard. 

De ce postulat assez compréhensible, Monsieur MARESCOT induit à raison qu’il est tout aussi possible de créer chez l’enfant des souvenirs positifs liés à la préservation de l’environnement, et de forger pour plus tard un socle conscient du monde qui l’entoure. Cela fonctionne particulièrement bien pour le rapport à l’anima : l’homme sera effectivement moins enclin à privilégier son intérêt à tout prix s’il a côtoyé et aimé des animaux domestiques ou sauvages dans sa tendre enfance. 

Un exemple particulièrement révélateur dans le thème de notre article est celui de la plantation d’arbres. Le film relate les rencontres d’un Papou venu en France raconter son attachement à sa forêt tropicale avec des enfants dans des écoles. Habillé en tenue traditionnelle, l’autochtone marque l’esprit des enfants d’un beau souvenir indélébile, en plantant avec eux un arbre dans la cour de l’école : aucun des enfants ne peut repartir tant qu’il n’a pas les mains pleines de terre. Évidemment, les enfants se voient expliquer l’intérêt de la démarche, et les CM1 que nous avons rencontrés personnellement étaient déjà tous au courant des bénéfices que cela peut avoir pour la photosynthèse -ils ont vraiment employé ce mot- et la pollinisation -bon d’accord, pas celui-là.

Revenons à ces enfants, maintenant que vous avez compris ce qu’entendait mettre en avant Luc MARESCOT. Nous avions évoqué avec eux la possibilité de planter eux-mêmes des arbres dans leur école, et leur réponse affirmative avait été unanime, au-delà de nos espérances. Nombreux étaient ceux qui l’avaient déjà fait dans le cercle privé et en gardaient un excellent souvenir -on la tient, la clé-, étant donc prêts à remettre le couvert. Un CP nous avait même confié qu’il aurait dû planter le sapin de Noël avec son papy, mais qu’il était mort – petite sueur froide pour nous aussi à ce moment-là, mais ne vous inquiétez pas, il parlait bien du conifère. Quoiqu’il en soit c’est bien par la force de ces souvenirs positifs qu’ils se redirigent de nouveau vers des gestes bons pour l’environnement.

A nous de leur en proposer d’autres, de créer des petits moments magiques comme ceux-ci, puisque nous n’en créeront jamais autant qu’ils en demandent. Notre génération – désolé pour les lecteurs les plus âgés- et la leur avons le pouvoir de changer les choses, et eux en ont l’envie et le bon espoir. Expliquons-leur de manière ludique comment y parvenir, sans jamais les inquiéter outre mesure, car ils n’ont pas besoin d’être terrorisés par des enjeux qui les dépassent de très loin, le virus a déjà causé assez de ravages. Dans quelques années, ces beaux plants n’auront plus besoin de tuteurs, ni de vous ni de nous, et il y a fort à parier que si, à la manière des bourgeons, ils ont su s’ouvrir, ici aux autres et au monde qui les entoure, ils seront plus épanouis

Alors vous savez ce qu’il vous reste à faire : faites des enfants -enfin pas trop, ça consomme quand même beaucoup- et transmettez-leur autant de bonnes habitudes et de bonnes valeurs que vous le permettra votre imagination, à supposer que vous ayez gardé votre âme d’enfant.