« L’empreinte des mots : Critiques de livres pour un monde plus durable » #1
Pour ce premier article de notre série « L’empreinte des mots : Critiques de livres pour un monde plus durable », consacrée à des critiques de livres sur les thèmes environnementaux et sociaux par le Noise, je vous propose de découvrir L’entreprise contributive, Concilier monde des affaires et limites planétaires de Fabrice Bonnifet et Céline Puff Ardichvili.
Comme l’actualité récente nous le rappelle avec le débat autour de la dissolution des Soulèvements de la Terre notamment, des groupes activistes de désobéissance civile affirment que la préservation de l’environnement est inconciliable avec certaines activités entrepreneuriales et industrielles polluantes. Le monde des affaires est-il donc incompatible avec le respect des limites planétaires ? C’est à cette question que s’intéressent Fabrice Bonnifet et Céline Puff Ardichvili dans leur livre L’entreprise contributive, paru en 2022. Leur réponse est claire : non, rien n’est impossible. Tout est encore à faire, et les deux auteurs emploient près de trois-cents pages à le démontrer.
Une consigne ne cesse d’être répétée tout au long de l’ouvrage : partir de faits scientifiques. Bonnifet et Puff Ardichvili partent donc eux aussi de constats pour fonder leur réflexion : le but d’une entreprise est de créer de la valeur… mais certainement pas au détriment de son premier actif trop souvent négligé, qu’est son environnement. Diriger des entreprises responsables et respectueuses de l’environnement invite à une remise en cause du paradigme économique dominant et à une nécessaire redéfinition de la valeur via ce qu’ils appellent la « valorisation de l’immatériel »… même si cela implique ce que l’on pourrait appeler en miroir une dévalorisation du matériel ! Or ce « matériel » énergivore, à l’origine de notre (sur)consommation constitue aussi la croissance d’aujourd’hui. Pour les deux auteurs, à la suite des rapports du Shift Project, tout découplage entre consommation d’énergie et croissance économique est impossible. En effet, ils qualifient les approches techno-optimistes, qui entendent faire un pari risqué sur l’avenir en misant sur la R&D pour décarboner notre économie dans une perspective de croissance verte, de « refuges de l’immobilisme ». Au contraire, on ne peut parler de décroissance en général, mais seulement de décroissance du non-essentiel : il s’agirait plutôt d’imaginer un monde dans lequel certains secteurs de consommation décroîtraient tandis que d’autres, nécessaires à la transition, seraient en pleine expansion…
Dès lors, sur quoi fonder ce nouveau modèle de croissance ? Sur des entreprises contributives. C’est-à-dire sur des entreprises qui concilient les réalités physiques, sociales et environnementales d’aujourd’hui avec des enjeux de plus long terme. Des entreprises qui contribuent positivement à la société par leurs engagements. Des entreprises qui assument les conséquences de choix collectifs : car oui, les entreprises font partie de la société ; elles doivent donc assumer leurs responsabilités sociales et environnementales, participer au changement et préserver leur environnement au lieu de contribuer à le détruire.
Le programme est beau mais semble difficilement réalisable. S’il suffisait aux entreprises de se dire contributives pour l’être, n’auraient-elles pas déjà toutes franchi le pas ? A travers leur livre, Fabrice Bonnifet et Céline Puff Ardichvili entendent éclairer les choix collectifs par leur exploration des futurs possibles, futurs très proches puisque les choix doivent être pris collectivement dès maintenant. Pour cela, une mobilisation de tous les acteurs de la société est nécessaire. Institutions, actionnaires, salariés, clients… Toutes les parties prenantes sont concernées, et tout spécialement « tous ceux qui veulent changer leur entreprise de l’intérieur ou se lancer dans l’entrepreneuriat »… nous !
Nous le constatons donc tous ensemble : une action collective est vraiment nécessaire. Cependant la marche à suivre demeure floue, incertaine, voire même inquiétante. Pour mieux comprendre comment s’orienter et agir, les deux auteurs structurent leur démonstration autour des cinq piliers de l’entreprise contributive :
1/ L’alignement sur les faits scientifiques
2/ La raison d’être au service du bien commun
3/ Le modèle d’affaires contributif
4/ Le système de management par la valeur perçue
5/ La valorisation de l’immatériel
A travers ces cinq points, ils abordent des questions environnementales et économiques sous différents aspects, dans une approche qui se veut toujours optimiste. En effet, renoncer à certaines consommations ou à certaines pratiques néfastes pour l’environnement (énergies carbonées, transports, emballages, etc) ne doit pas être assimilé à une renonciation mais à une réinvention… Il semblerait donc que la « sobriété heureuse » prônée par Pierre Rabhi soit accessible aux entreprises, via une valorisation de la qualité plutôt que de la quantité ! En effet, prendre des mesures favorables à la préservation de l’environnement est profitable. Il suffit de penser par exemple au coût économique du déclin de la biodiversité selon WWF, comme le rappellent les auteurs.
Certes de nombreux freins peuvent être identifiés, des lobbys vecteurs d’immobilisme aux conseils d’administration parfois trop conservateurs… mais le « modèle d’affaires contributif » repose sur des transformations plutôt que sur des améliorations. La transparence de l’impact des entreprises facilitée par de nouvelles conditions organisationnelles favorisera les innovations et les investissements souhaités.
Parmi les nombreux outils nécessaires au changement, Bonnifet et Puff Ardichvili soulignent l’importance de l’adoption d’une comptabilité du triple capital pour accélérer la transition des modèles d’affaires. Le principe est simple : appliquer le même principe de préservation du capital financier au capital naturel et humain, c’est-à-dire appliquer des concepts d’amortissement et d’investissement aux actifs naturels et sociaux, afin de donner une image plus juste du bilan de l’entreprise. Cette proposition part de deux principaux constats : d’une part utiliser le PIB comme indicateur du progrès économique est absurde ; d’autre part le bilan de l’entreprise doit permettre d’analyser la performance globale de l’entreprise (non seulement financière, mais aussi environnementale et sociale). La révolution n’est donc pas seulement individuelle, mais collective, entrepreneuriale et comptable !
En bref : on a besoin de vous !
Pour résumer, le but de l’ouvrage est de « passer du savoir à l’action » et « devenir acteur de ces transformations radicales ».
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Fabrice Bonnifet est directeur développement durable du groupe Bouygues et président du C3D, le collège des directeurs du développement durable, c’est-à-dire « L’association de référence au service des transformations de modèles d’affaires respectueuses des limites planétaires et socialement responsables ». Céline Puff Ardichvili est DG à Look Sharp, une agence de conseil en communication pour les acteurs des transitions.
Ensemble, ils ont écrit ce livre et co-créé L’entreprise contributive (https://entreprisecontributive.blog/), un blog dédié à leur projet ! Alors n’attendez-plus, cliquez sur le lien, plongez-vous dans la lecture de ce livre riche en enseignements et devenez un acteur du changement…
… en assistant à notre conférence avec Fabrice Bonnifet !
En effet, le pôle MSN de l’association NOISE organise son deuxième événement de l’année le lundi 4 décembre à 19h45 à l’ESSEC : une conférence avec Fabrice Bonnifet sur l’entreprise contributive.
En venant à la conférence, vous arriverez en spectateur et repartirez en acteur de la transition !
Jeanne Rodriguez