Après ces quelques lectures, je vous propose d’essayer de prendre un peu de recul en retenant les principaux thèmes abordés sur la décroissance. Il ne s’agit bien sûr que de résumés et d’avis subjectifs, mais je serais ravie d’avoir vos retours pour échanger sur ce sujet. Si vous avez d’autres conseils de lecture, n’hésitez pas !
Ces cinq livres ont le même point de départ initial : la critique du PIB comme indicateur de développement. Cet indicateur peut continuer à être pertinent si on a conscience de ce qu’il mesure concrètement et si l’on connaît ses limites (qui sont trop souvent omises aujourd’hui). De même, le constat est toujours alarmant, inquiétant et pessimiste. Pourtant ces ouvrages s’inscrivent dans une dynamique positive car il s’agit d’un travail de prospective pour imaginer un futur enviable et soutenable. J’ai donc trouvé ces lectures motivantes et porteuses d’espoir.
Un autre point à retenir est l’importance de ne pas mélanger les termes et de toujours spécifier : décroissance, en soi, ne veut rien dire. Décroissance n’est en effet pas synonyme de croissance négative, mais de rejet de la croissance. Ce qui est important, c’est le projet économique et social qui se cache derrière le concept, ses implications concrètes et surtout ces réalisations pratiques.
Enfin, pour répondre à l’une des questions posées en introduction, si la décroissance peut être qualifiée d’idéologie, c’est bien parce que la croissance en est une aussi. Sauf qu’elle a tellement phagocyté notre culture et notre société que nous ne nous en rendons même plus compte… Maintenant, à nous d’essayer de changer de perspective !
Je trouve tous ces ouvrages théoriques sur la décroissance très intéressants dans la mesure où ils remettent en question un système que l’on a tendance à prendre pour acquis et qu’ils ouvrent de nouvelles perspectives. Cependant, je regrette de ne pas comprendre comment mettre les choses concrètement en œuvre pour aller vers cette économie de la décroissance, à la fois relationnelle et démocratique, presque un peu trop utopique… l’ouvrage d’Eloi Laurent est sous-titré « Mode d’emploi », mais il s’agit d’un mode d’emploi complexe à mettre en pratique ! Ces livres sont passionnants et très enrichissants, mais aussi risqués : à présenter une solution qui semble si difficile à déployer, il devient presque tentant de rester tétanisé sur place plutôt que de commencer à agir dès maintenant. Certes des préconisations sont faites et des exemples sont pris (Nouvelle Zélande, pays scandinaves, initiatives locales, etc) pour montrer que des progrès sont non seulement souhaitables, mais empiriquement possibles ; cependant, les pointer du doigt peut aussi mener à oublier que chaque cas est particulier et que la mise en pratique peut être plus difficile que prévue. Certaines assertions d’Eloi Laurent, comme le fait de sortir les entreprises d’une logique de maximisation des bénéfices, me semble théoriquement intéressante mais empiriquement compliquée à mettre en œuvre rapidement dans les années à venir, alors que le changement climatique fait déjà des dégâts et qu’il est urgent d’agir. Ce qui m’intéresse dans ces ouvrages (la remise en cause globale du système économique actuel) est donc aussi ce qui me gêne parfois (le manque de cas particulier et de plan d’action concret et détaillé). En l’absence de préconisations pratiques pour mettre en œuvre ces vœux pieux, je ne peux que demeurer sceptique malgré mon enthousiasme pour bon nombre de propositions… mais sans doute n’est-ce qu’une invitation à lire d’autres de ses livres et à creuser encore le sujet ! A cet égard, j’ai préféré l’aspect parfois plus pragmatique et empirique de Prospérité sans croissance de Tim Jackson.
Le mérite de ces essais est cependant de proposer un projet de société souhaitable afin de prospérer sans croissance, dans le respect d’un bien être tant social qu’environnemental. Il s’agit d’une invitation à changer nos visions traditionnelles et à aller au-delà des indicateurs ; bref, à se poser des questions et à y répondre par nos actions.
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Si vous êtes parvenus à la fin de cette série d’articles “Décroissance : de la récession à une sobriété soutenable et souhaitable”, c’est peut-être que le sujet vous a intéressé(e). Si vous souhaitez l’approfondir, je vous invite à vous plonger dans la lecture de l’un de ces ouvrages. Si vous préférez vous documenter à l’aide de supports numériques, je vous conseille également une conférence filmée de Dominique Méda, sociologue et présidente de l’Institut Veblen, intitulée “Vers une société post-croissance” (http://ses.ens-lyon.fr/articles/vers-une-societe-post-croissance). Vous y trouverez un rappel clair et synthétique de l’histoire de la croissance et de son indicateur (le PIB) ainsi qu’une présentation de ce que peut être le modèle social d’une économie post-croissance permettant de “faire de la résolution de la question écologique une opportunité et non une contrainte”, notamment par la création de nombreux emplois nécessaires à la transition.
Jeanne Rodriguez